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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3
Autoren: Mireille Calmel
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1
    De maussade qu'il avait été ces jours derniers, le printemps confinait à l'été en cette matinée du 3 juin 1484. Philippine de Sassenage fut saisie par la clarté éblouissante d'un franc soleil qui vint agacer ses yeux sous ses paupières closes.
    — Allons debout, damoiselle Hélène. Le cortège est annoncé, la heurta la voix nasillarde de la servante qui venait sans ménagement d'écarter les tentures. Votre matinel est prêt. Il ne faut pas traîner ou vous ne verrez pas le prince passer, insista la jouvencelle.
    Paré d'une excitation toute juvénile, son timbre montait dans les aigus, rendant plus détestables encore sa disgrâce et sa maladresse. Celle que ses parents avaient eu la mauvaise idée de prénommer Bonnemine quatorze ans plus tôt ne venait-elle pas, en pénétrant dans la chambre, de se prendre les pieds dans le tapis, manquant de verser son plateau d'argent chargé de vaisselle, d'un bouillon clair, d'un œuf coque et de cerises ? Il eût fallu que Philippine soit sourde pour n'être pas tirée du doux rêve qui la tenait alors et d'où elle peinait à sortir.
    Elle s'en arracha pourtant. La réalité serait plus lumineuse encore dans quelques heures, juste là, sous ce balcon en encorbellement qui surplombait la grand-place de Romans-sur-Isère.
    Philippine se redressa contre son oreiller, les yeux plissés pour se garder d'un rayon ambré dans lequel dansaient de fines particules de poussière. Bonnemine achevait de dresser la table devant la large porte-fenêtre, pour le petit déjeuner.
    — Quelle gourde ! se lamenta silencieusement Philippine en la voyant écraser l'œuf du dos d'une petite cuillère dans l'espoir de le décoquiller.
    Se déversant le long du coquetier de faïence, le jaune crevé et mêlé de fins morceaux de coquille ruissela, épais, sur les parois, se perdant à moitié. La jouvencelle n'en parut pas incommodée. Fière de son exploit, elle se retourna avec l'inconscience de son incompétence. Et pis encore, de la sottise avec laquelle elle était née. Non, décidément Philippine ne s'y faisait pas. Algonde lui manquait.
    — Partout la clameur enfle. C'est qu'on dit le prince Djem exceptionnellement beau et raffiné. Irez-vous le visiter ? Il logera dans la maison de Berton de Bocsozel, notre gouverneur, qui, hélas pour lui, se trouve à Paris en ces fêtes de la Pentecôte et…
    — Je sais tout cela, la faucha Philippine, accompagnant la sécheresse de son ton d'un mouvement du poignet.
    La servante afficha une moue boudeuse mais servile.
    — Mon mantel de chambre, exigea la damoiselle de Sassenage sans s'en inquiéter.
    La servante le lui présenta en détournant les yeux pendant que Philippine repoussait les draps pour s'arracher du lit.
    — Laisse-moi à présent. Je te sonnerai lorsque je serai décidée à m'habiller.
    — Ne tardez…
    — Suffit ! asséna Philippine d'un ton n'admettant pas la réplique.
    Baissant le nez, Bonnemine s'effaça en trottinant et ferma la lourde porte cloutée.
    Restée seule enfin, Philippine s'étira gracieusement avant de s'attabler. Tordant la bouche de dégoût devant son œuf massacré, elle le repoussa et trempa ses mouillettes dans le bouillon de poule. Tandis qu'elle les mâchonnait sans plaisir, son regard se porta vers la croisée. La fenêtre en vis-à-vis de la sienne de l'autre côté de la grand-place était barrée de volets. C'était, lui avait appris Bonnemine la veille en se louant à son service, la maison de Pierre Coste, l'officier de la Monnaie de la ville. Un homme libidineux qui cachait derrière ces persiennes ajourées une vie dissolue. Curieuse de nature, Philippine se demanda à quoi il ressemblait et s'il pouvait la voir.
    Ensuite de quoi, reprise par l'activité qui régnait plus bas, elle se laissa avaler par les derniers préparatifs des festivités. Partout on s'activait sur le sol nivelé. Traînant là des ballots de paille pour séparer l'espace des joutes de celui des enclos, plantant ici barrières et piquets, plus loin des étendards aux couleurs de la ville. Contre l'abbaye, à droite, profitant de la fraîcheur des murs, on achevait d'adosser les gradins tendus au ciel de toiles colorées, comme chaque fois que Romans, du fait de sa position centrale en Dauphiné, s'accordait à festoyer. À plusieurs reprises dans l'année, dans ce champ clos au cœur de la ville, on donnait des drames religieux et des tournois.
    Philippine se rappelait avoir assisté à
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