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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais
Autoren: Jean-François Parot
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étaient éteintes. Le vent sans doute…
    Le commissaire sursauta, sortit son petit carnet noir et commença à noter. Comment se faisait-il que la rue fût sans lumières, comme il l'avait lui-même constaté ? Depuis que M. de Sartine avait fait poser des réverbères, les lumières ne s'éteignaient plus comme, naguère, dans les anciennes lanternes. Il y avait là un point qu'il conviendrait d'élucider au-delà même de la présente affaire. Maintenant il observait le sol très piétiné autour du corps. Il regarda la chaussée, la neige permettant de déterminer des traces fraîches de voiture ; l'heure pourtant ne se prêtait pas à la circulation. Il rangea le fait dans sa mémoire sans imaginer ce qu'il pourrait lui apporter, se souvenant pourtant en avoir croisé une vers onze heures.
    — Quand vous avez examiné le corps, car je pense que ce fut votre premier geste, était-il mort depuis longtemps selon vous ?
    — Que non, il était encore chaud !
    Il se tourna vers le gouverneur.
    — Est-ce là un de vos prisonniers ?
    — Oui, monsieur, en effet… Il faut que je vous parle… que je vous explique…
    — Plus tard, j'y compte bien. Auparavant, je dois donner des ordres pour l'enlèvement du corps.
    — Mais… Puis-je autoriser… Il est sous ma responsabilité. Que dirais-je si… ? Après tout ce n'est rien d'autre qu'une tentative d'évasion.
    — Cela reste à prouver. Souhaiteriez-vous, par aventure, vous placer en travers des règlements ? Dois-je vous rappeler, monsieur, qu'il s'agit à n'en douter point d'une mort violente sur la voie publique ?
    Le sergent s'approcha. Il tenait, enroulée autour de son bras, une sorte de corde faite de draps noués. Il lui en montra le bout déchiqueté.
    — C'est près du corps que nous avons trouvé cela. Il a tenté de descendre de son cachot et le tissu a cédé. Il est tombé.
    — Nous verrons, dit Nicolas, ne nous empressons pas de conclure. Pour le moment, que le corps soit transporté avec précaution à la basse-geôle du Grand Châtelet ainsi que toutes pièces trouvées près de lui. J'ai oublié votre nom ?
    Il ne l'avait jamais vu, mais le sergent lui plaisait avec son air de sincérité.
    — Grémillon Baptiste, sergent de la compagnie du guet, monsieur.
    — Soit. Grémillon, vous et vos hommes êtes, à partir de cet instant, comptables de cette dépouille devant moi. Au Châtelet, demandez le père Marie et dites-lui de veiller à sa sûreté et que personne ne puisse y avoir accès. Confiez-lui aussi la corde de draps.
    L'homme rougissant balbutia quelques mots.
    — Il en sera fait selon vos instructions, monsieur le commissaire. J'ai toujours rêvé servir sous vos ordres, si je puis me permettre.
    Nicolas lui sourit. Il refusa de suivre le gouverneur dans ses quartiers, déclinant la proposition d'une liqueur au grand dam de celui-ci. Il indiqua aussitôt sur quoi portaient ses priorités : être conduit dans la cellule du prisonnier, y être laissé seul muni d'une lanterne et examiner les lieux en toute tranquillité.
    Fort-l'Évêque ne différait guère des autres prisons parisiennes, mais pour rébarbatif que fût son aspect, il n'était en rien comparable à celui de la Bastille ou de Vincennes. Il est vrai que sa fréquentation était différente. On se retrouvait dans ses murs pour des délits mineurs, dettes, jeu clandestin et situations scandaleuses si fréquentes chez les comédiens. Par conséquent rien ne pouvait y inciter à risquer sa vie pour s'en évader, les séjours y étant brefs et bénins. Cependant…
    Au troisième étage de la forteresse, le gouverneur le mena jusqu'à la porte d'une cellule dont la porte de planches croisées paraissait bien fragile. Il arrêta le geste de Mazicourt, lui prit doucement les clés des mains et lui indiqua, d'un ton définitif, de le laisser seul. Après avoir demandé une lanterne que le gouverneur empressé lui apporta, il pénétra dans la pièce, demeura immobile et se concentra dans sa contemplation. Il aimait se pénétrer ainsi du théâtre d'un drame pour y relever le moindre détail avant que la vie, reprenant son cours, ne vienne bouleverser l'ordre des choses. Il prenait en compte ces apparences inertes, ces objets immobiles et ces murs, témoins muets d'une tragédie. À première vue, rien ne heurtait l'attention. À droite une planche paillasse était scellée à la muraille par deux chaînes. Pas de drap, et pour cause, simplement une
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