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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais
Autoren: Jean-François Parot
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rire contenu, «  ils doivent être las des gens d'esprit, nous verrons s'ils arriveront mieux avec une bête  » !
    — Et bègue de surcroît !
    La main d'argent s'agitait frénétique. Nicolas se souvint que celui que les Choiseul appelaient avec mépris «  le petit saint  » n'avait pas perdu un esprit dont la cruauté n'épargnait personne.
    — Je crois, dit-il, qu'à cette place, faute de disposer d'une fidélité adamantine, le plus à craindre reste l'intrigant et, pis, l'être systématique. Maurepas a sans doute convaincu le roi de mettre là un homme absolument à sa main. Un bon premier commis fera l'affaire pour soutenir cette incapacité. Considérez Malesherbes, plein et suffisant de raison éloquente et de soucis philosophiques, prétendant sauver un quart de son honneur après en avoir dispersé les trois quarts depuis qu'il est en place. Il faut savoir se perdre pour l'État. Être toujours soucieux d'abus qui blessent votre susceptible conscience, mène à la faiblesse et à l'impéritie. Nous entrons dans une époque, où hélas, les serviteurs zélés, comme vous, seront espèces rares.
    La soirée s'était poursuivie fort tard. Le duc évoqua sa trop longue carrière ministérielle, rappelant avec émotion des traits du feu roi. Ils se quittèrent émus de leurs retrouvailles après que M. Le Noir les eut tous deux invités à assister au prochain mariage de sa fille. Quand le lendemain l'événement confirma les prédictions du duc de La Vrillière, Nicolas confia à l'inspecteur Bourdeau son espérance de voir restauré l'esprit du service des enquêtes extraordinaires et de tous ceux qui s'étaient voués, depuis tant d'années, à son succès au service du roi.

    Un frisson parcourut Nicolas. Il se leva pour rajouter une bûche. Il poursuivait le bilan des mois écoulés. Louis avait épousé avec enthousiasme son apprentissage chez les pages. Aucune rumeur ni méchant bruit n'avaient troublé des débuts prometteurs que la protection du maréchal de Richelieu et la faveur de Nicolas établissaient, dès l'abord, en force. La reine elle-même avait remarqué l'adolescent de si bonne mine. Après de longues réflexions, Nicolas avait écrit une lettre à la Satin afin de la rassurer sur le sort de son fils. La réponse émue et sensible l'avait rempli d'aise. Son négoce de modes prospérait à Londres. Seules l'inquiétaient les rumeurs de guerre avec la France. Louis écrivait régulièrement à sa mère. Le courrier aller et retour passait par la rue Montmartre afin d'éviter tout incident ou indiscrétion chez les pages. Il venait de passer de la petite à la grande écurie et la vocation militaire qui le tenaillait en serait favorisée. Il avait traversé sans sourciller les épreuves pénibles que les «  anciens  » faisaient subir aux nouveaux. Nicolas veillait autant qu'il le pouvait à ce que sa conduite demeurât régulière. Il devait compter avec le caractère de feu du garçon et ne pas sous-estimer le caractère roué de certains de ses camarades. Souvent des querelles éclataient chez les pages, réglées par des duels d'autant plus dangereux qu'on se servait de fleurets aiguisés qui, par leur forme carrée, aggravaient les blessures. Le jeu aussi était un danger contre lequel Nicolas souhaitait prémunir son fils. Il l'emmena dans une maison de jeu clandestine et lui fit observer la catastrophe d'un provincial candide dépouillé par des tricheurs de métier. Il ne s'agissait pas d'interdire et de réduire le garçon à faire sotte figure en société, mais de lui enseigner à en user en honnête homme. La leçon était d'autant plus délicate venant de la part de quelqu'un qui n'avait, de sa vie, tenu cartes en sa main. Il chargea aussi Semacgus, chirurgien de marine, de prodiguer au jeune homme quelques conseils d'hygiène destinés à le préserver des coups de pied de Vénus. Louis, si souvent accueilli chez la Paulet, au Dauphin couronné, écouta poliment et parut déjà initié à ces mystères.
    Mlle d'Arranet, pressentie pour faire partie de la maison qui serait bientôt formée de Madame Élisabeth, sœur du roi, avait pris l'habitude d'aller faire sa cour auprès de la jeune princesse, exercice qui la précipita à la cour où elle fut présentée. Cela lui laissait de moindres loisirs pour rencontrer Nicolas. L'ardeur qui les emportait jusque-là laissait insensiblement la place à la tendresse. Les jours succédaient aux nuits, leur faisant
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