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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais
Autoren: Jean-François Parot
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parcourir les reliefs et les plaines d'une carte du Tendre, dont ils connaissaient désormais tous les détours, sans qu'aucun imprévu surprenant n'en rompe la régularité. Chacun, de son côté, s'interrogeait sur l'issue d'une liaison marquée du sceau de l'ambiguïté. Elle menait sa vie grand train en affectionnant la compagnie des hommes, toujours mutine, quelquefois coquette, satisfaite de ce que Nicolas lui appartienne, ne s'impose point en permanence, soit présent quand elle le souhaitait et discret quand elle le désirait.
    Nicolas prit en compte cette situation qui marquait, il le sentait bien, une grande différence avec le début de leur amour, quand tout instant volé leur semblait insupportable. Ils constatèrent peu à peu que des rendez-vous manqués les rendaient à eux-mêmes et que, d'ailleurs, leurs retrouvailles n'en étaient que plus passionnées. Ils jouèrent bientôt de cet état de choses qui ranimait les attraits des premiers temps. Cela devint vite une justification obligée à leurs rencontres, une dangereuse habitude. Restait que Nicolas éprouva alors un nouveau trouble. Plusieurs fois il avait croisé Aimée dans des sociétés où il n'était pas prévu qu'ils dussent se retrouver. Son étonnement avait été grand de découvrir sa maîtresse, la femme éperdue qu'il tenait si souvent dans ses bras, en jouvencelle insouciante au milieu de jeunes gens de son âge. Soudain il ressentit ce qui le poignait jadis à la vue de Mme de Lastérieux coquetant avec des godelureaux dans un salon de la rue de Verneuil. Il lui apparut que son âge, chaque année davantage, les séparerait plus sûrement que tous les aléas d'une passion. Elle avait dix-huit ans et lui trente-quatre en 1774 quand il l'avait relevée, mouillée et échevelée, dans les bois de Fausses Reposes. Ils disposaient de temps de durée différente et pour lui tout s'accélérait ; elle serait encore longtemps jeune et lui de plus en plus vieux. Dès lors l'idée d'une union, un temps caressée, se dissipa d'elle-même et il se raisonna sans, pour autant, éprouver moins de joie à la retrouver. Cet équilibre précaire ne pouvait durer bien longtemps. La tristesse l'envahit et chaque fois qu'elle le quittait, il voyait, le cœur serré, sa gracieuse silhouette s'éloigner, comme une apparition qui allait bientôt sortir de sa vie. Dans ces conditions, et sans se l'avouer, chacun retrouvait insensiblement sa liberté. Un rien pouvait précipiter une rupture inscrite dans les faits et à qui l'occasion seule manquait pour survenir.
    Il soupira et porta son esprit vers des pensées plus consolantes. Rue Montmartre, M. de Noblecourt vieillissait sans qu'il y parût. Agacé dans ses habitudes, il avait acquis la maison voisine de la sienne qui s'était révélée appartenir à Mourut, le boulanger assassiné 8 . Profitant de la nouvelle réglementation sur les métiers, il avait établi Hugues Parnaux et Anne Friope, les anciens apprentis désormais mariés, à la tête de la boutique. Une petite fille, Béatrice, était née, dont Nicolas était le parrain avec Catherine comme commère. Le jeune couple occupa l'ancien logement de Mourut. M. de Noblecourt avait aussi ordonné de nouveaux passages entre les deux maisons. Le logis de Nicolas s'en trouva agrandi d'un salon, d'une grande chambre pour Louis et d'un cabinet de toilette. Catherine, qui logeait dans un réduit au-dessus de la grange, retrouva une belle chambre au troisième étage. De nouveau l'odeur familière des fournées baignait, comme un bonheur retrouvé, l'hôtel de Noblecourt. La nouvelle disposition fit plus d'un heureux, sans compter Mouchette qui, à la tête d'un royaume agrandi, ne cessait de muser d'une maison à l'autre, éreintant le pauvre Cyrus ; il demeurait pourtant attentif à son rôle de mentor, mais peinait à suivre la vagabonde dans le dédale des couloirs et des escaliers.
    Soudain des bruits lointains le tirèrent de sa méditation. La porte s'ouvrit et le père Marie parut les yeux rougis, rajustant son paletot avec maladresse. La nuit allait-elle être troublée par quelque événement inattendu ?
    — Te voilà bien affairé !
    — C'est qu'il y a urgence, monsieur Nicolas. On frappe, on monte, on me secoue. Voilà-t-y pas des façons !
    — Et le pourquoi de ce tumulte ? Quelque farce de carnaval sans doute ?
    — Je le croyais, mais c'est plus grave. Voilà qu'on vous envoie quérir comme si le feu prenait au
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