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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur
Autoren: Zoé Oldenbourg
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un impôt spécial pour l’entretien de la croisade. D’autre part, il doute de la légitimité de l’opération. En février 1209, au moment où dans toutes les provinces des milices se groupent, les dons affluent, les chefs organisent les préparatifs du grand départ, Innocent III écrit à Philippe Auguste : « C’est à toi que nous confions tout spécialement l’affaire de l’Église de Dieu. L’armée des fidèles qui se lèvent pour combattre l’hérésie doit avoir un chef à qui elle obéisse tout entière. Nous supplions Ta Sérénité Royale de choisir, par un acte de son pouvoir propre, un homme actif, prudent et loyal, qui conduise au bon combat, sous ta bannière, les champions de la cause sainte 7 . » Le roi refusera non seulement sa présence et celle de son fils, mais aussi la responsabilité de désigner un mandataire qui pût agir en son nom. La croisade, pour laquelle le pape voulait se servir du roi de France comme de l’instrument légal et séculier de la justice de Dieu, resta ce qu’elle était en fait : une guerre menée par l’Église. Les barons qui prendront la croix seront les soldats de l’Église et le chef que l’armée des croisés se choisira sera le légat du pape, l’abbé de Cîteaux, Arnaud-Amaury.
    Le tour du roi de France viendra plus tard.
    Parmi les barons qui se croisèrent en 1209, on connaît les noms d’Eudes II duc de Bourgogne, d’Hervé IV comte de Nevers, déjà cités ; de Gaucher de Châtillon comte de Saint-Pol, de Simon de Montfort, de Pierre de Courtenay, de Thibaud comte de Bar, de Guichard de Beaujeu, de Gauthier de Joigny, de Guillaume de Rocher sénéchal d’Anjou, de Guy de Lévis, etc. Mais les évêques sont, eux aussi, chefs de guerre : les archevêques de Reims, de Sens, de Rouen ; les évêques d’Autun, de Clermont, de Nevers, de Bayeux, de Lisieux, de Chartres, ont pris la croix et amènent chacun un corps expéditionnaire composé tant de guerriers que de pèlerins ignorants dans l’art de la guerre mais ardent à servir la cause de Dieu.
    Un an s’est écoulé depuis la mort de Pierre de Castelnau. Le Languedoc voit se préciser la menace suspendue sur lui.
    Le comte de Toulouse, personnage qui pouvait inspirer quelque considération à ceux des croisés qui faisaient partie de sa caste, était discrédité par les bruits qui l’accusaient d’avoir pris part au meurtre du légat. Mais, comme ce crime n’eût peut-être pas suffi à provoquer la réprobation générale, les barons de France étant eux-mêmes sans cesse en guerre contre le clergé, les propagandistes se sont vus forcés de noircir le tableau. Pierre des Vaux de Cernay, fidèle interprète du clan extrémiste du parti croisé, rend le comte odieux à plaisir.
    Ses mœurs sont exécrables : il ne respecte guère le sacrement du mariage ; péché véniel : parmi les barons de l’époque, les maris fidèles sont plutôt rares. Le fait est qu’il s’est marié cinq fois et deux de ses épouses répudiées vivent encore ; Il y a mieux : dans sa jeunesse, il avait séduit des concubines de son père ; grief quelque peu tardif : le comte a cinquante-deux ans. Sa participation au meurtre de Pierre de Castelnau est notoire (bien que le pape lui-même n’ait osé avouer qu’une quasi-certitude). Pour prouver ses assertions, le chroniqueur raconte que Raymond VI a promené le meurtrier à travers ses domaines, l’a exhibé en disant à qui voulait l’entendre : « Vous voyez cet homme ? C’est le seul qui m’aime véritablement et qui ait su faire ce que je désirais 8 …» Ces paroles sembleraient dictées par la plus amère ironie ; mais Raymond VI ne pouvait se permettre de plaisanteries de ce genre. Politique prudent, toujours soucieux de ménager tous les partis, le comte de Toulouse, eût-il même ordonné le meurtre (ce qui est peu probable), ne pouvait que désavouer l’exécuteur. S’il ne l’a pas châtié, c’est par égard pour l’opinion Publique de son pays : le meurtrier de l’impopulaire légat était sans doute regardé comme un héros par les siens.
    Le pape et les chefs de la croisade ne s’y trompaient pas ; c’était le pays tout entier qui portait la responsabilité de ce crime et le comte ne devait être livré à l’exécration des foules qu’en tant que chef de ce pays. Sa faute était, il faut le dire, énorme aux yeux de tout homme fidèle à l’Église : il ne se contentait pas de
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