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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur
Autoren: Zoé Oldenbourg
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ruse…” Usez d’une sage dissimulation : laissez-le (le comte) d’abord de côté pour agir contre les rebelles. Il sera d’autant moins facile d’écraser ces satellites de l’Antéchrist qu’on les aura laissés se grouper pour la résistance commune. Rien de plus aisé, au contraire, d’en venir à bout, si le comte n’accourt pas à leur aide, et peut-être que la vue du désastre lui fera faire un retour en lui-même. S’il persiste dans ses mauvais desseins, on pourra lorsqu’il sera isolé et réduit à ses seules forces, terminer par lui et l’accabler sans grand effort. »
    C’est à Saint-Gilles, lieu de la mort de Pierre de Castelnau, que se déroulera, en juin 1209, la cérémonie de l’amende honorable. Il semble qu’avant d’abattre l’ennemi, l’Église, en la personne des légats, ait tenu à montrer au peuple ce que pèse la puissance des grands de ce monde face à la puissance de Dieu.
    Trois archevêques et dix-neuf évêques seront rassemblés dans la grande église de Saint-Gilles, cette magnifique église qui, aujourd’hui encore, nous donne une idée de ce qu’étaient le faste et la piété des anciens comtes de Toulouse. Une foule de hauts dignitaires, de vassaux, de clercs se presse tant dans l’église que devant le parvis. Entre les deux grands lions qui gardent l’entrée de la porte centrale, des reliques du Christ et des saints sont disposés. Le comte, en costume de pénitent, la corde au cou, cierge en main, nu jusqu’à la ceinture, est amené sur le parvis et là, la main sur les châsses, il jure obéissance au pape et aux légats. Alors, Milon lui passe au cou son étole, l’absout et, lui frappant le dos d’une poignée de verges, le fait entrer dans l’église. La foule, qui entre à sa suite dans l’église, est si compacte qu’il ne peut plus en ressortir et on le fait passer par la crypte où se trouve enseveli le corps de Pierre de Castelnau. Les contemporains, qui voient des signes partout, regardent cette coïncidence comme un juste châtiment du crime présumé.
    Avant cette cruelle cérémonie, le comte avait dû souscrire aux conditions suivantes : il devait faire amende honorable à tous les évêques et tous les abbés avec lesquels il était en conflit ; se dépouiller de ses droits sur les évêchés et les établissements religieux ; chasser les routiers ou troupes de mercenaires qui défendaient ses territoires ; ne plus confier de charges publiques à des Juifs ; ne plus protéger les hérétiques et les livrer aux croisés ; tenir pour hérétiques toutes les personnes dénoncées comme telles par le clergé ; s’en rapporter à la décision des légats pour toutes les plaintes déposées contre lui ; observer et faire observer toutes les clauses des paix et trêves établies par les légats. Bref, par cet acte de soumission le comte acceptait une véritable dictature de l’Église sur ses terres. Il devait considérer les clauses de ce traité difficilement réalisables dans la pratique et se disait aussi sans doute que le temps travaillerait pour lui.
    Aussitôt absous, Raymond VI prend une initiative inattendue : il demande lui-même à prendre la croix. Cette décision, de la part d’un prince qui a toujours fait son possible pour ménager les hérétiques, est quelque peu surprenante. «… Perfidie nouvelle ! écrit Pierre des Vaux de Cernay. Cet homme ne prenait la croix que pour rendre sa personne et ses biens intangibles et dissimuler ses néfastes projets 11 . » Ce qui semble l’évidence même. Mais Raymond VI pensait gagner, par-dessus la tête des légats dont il n’espérait plus rien, la confiance du pape. En effet, Innocent III lui écrira le 26 juillet : « Après avoir été un objet de scandale pour beaucoup te voilà devenu un modèle… Nous ne voulons que ton bien et ton honneur. Tu peux être assuré que nous ne supporterons pas qu’on te fasse tort si tu ne le mérites pas 12 . » Langage diplomatique qui n’engage peut-être pas à grand-chose ; mais Raymond VI jouera cette carte jusqu’au bout.
    Le comte de Toulouse n’est pas seulement le principal personnage du drame qui va se jouer sur ses terres ; sa personnalité est comme l’image des contradictions, des faiblesses, des vertus et des malheurs de son pays et sa conduite est beaucoup moins le résultat de ses propres impulsions, bonnes ou mauvaises, que le relief de la situation où se trouvait la terre occitane à
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