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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur
Autoren: Zoé Oldenbourg
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CHAPITRE PREMIER
PRÉLIMINAIRES DE LA CROISADE
I – LE POINT DE DÉPART
    Le 10 mars 1208, Innocent III, pape de la chrétienté, lance solennellement un appel aux armes, et prêche à des peuples chrétiens une croisade contre un pays chrétien. Cette croisade est justifiée et nécessaire : les hérétiques qui peuplent ce pays sont « pires que les Sarrasins ».
    L’appel du pape arrive quatre ans après la prise de Constantinople par les armées croisées. L’ennemi à combattre est Raymond VI, comte de Toulouse, cousin du roi de France, beau-frère du roi d’Angleterre et du roi d’Aragon, lié par l’hommage à ces trois rois et à l’empereur d’Allemagne ; duc de Narbonne, marquis de Provence, suzerain féodal dont l’autorité s’étend sur l’Agenais, le Quercy, le Rouergue, l’Albigeois, le Comminges, le Carcassès, le comté de Foix – bref, un des grands princes de la chrétienté occidentale ; premier seigneur de toutes les terres de langue d’oc.
    À une époque où la noblesse détenait en fait le pouvoir et où, des rois aux simples propriétaires fonciers, tous les nobles étaient militaires par définition, la guerre était une nécessité permanente, et les princes chrétiens ne manquaient jamais de raisons pour envahir les terres de leurs voisins. Mais le siècle précédent avait vu s’épanouir, puis décliner, l’immense élan des peuples d’Occident vers la Terre sainte : au XII e  siècle, le pèlerin guerrier (tout en poursuivant bien souvent des fins matérielles) avait la certitude de combattre pour Dieu. La noblesse, décimée sur les champs de bataille de Palestine, se résignait mal à l’inutilité des sacrifices qu’elle s’était imposée, et les guerres locales qu’elle était bien obligée de mener lui paraissaient petites et plates.
    Lors de la 4 e  Croisade, Simon de Montfort, chevalier dont la passion pour la guerre ne laisse de doutes pour personne, refusera de porter les armes contre une ville chrétienne, et de se mettre au service du doge au lieu de celui du pape ; si la majorité des croisés ne suit pas son exemple et, après la prise de Zara, ville catholique, se rue sur Constantinople, le scandale d’une croisade détournée de son vrai but laisse à la chevalerie franque un sentiment de désillusion, malgré l’attrait toujours vif des conquêtes et du pillage. La croisade est en train de devenir une voie sans issue ; la Terre sainte, de plus en plus menacée cependant, n’attire que peu d’amateurs. Et pour bien des chevaliers et hommes d’armes, ce moyen de gagner le pardon de Dieu, tout en se couvrant de gloire sur les champs de bataille, était devenu une habitude, parfois une véritable passion, souvent une nécessité matérielle.
    Que penser de cette croisade d’un genre nouveau que le cri d’alarme du pape impose à la chrétienté ? Quand on se souvient du cosmopolitisme de la noblesse de cette époque où la chevalerie d’Angleterre parlait français, où les poètes espagnols et italiens écrivaient en langue d’oc, où les Minnesinger allemands se mettaient à l’école des troubadours ; où l’inextricable complexité des liens féodaux et le chassé-croisé des mariages politiques avaient fini par créer des liens de vassalité et de parenté entre tous les grands seigneurs de la chrétienté occidentale, il paraît difficile à imaginer qu’une guerre sainte contre le comte de Toulouse ait pu devenir une réalité.
    L’anathème jeté de Rome en ce jour de mars 1208 sur la terre occitane coupe en deux l’histoire de la chrétienté catholique. La sanctification d’une guerre faite à un peuple chrétien devait détruire à jamais l’autorité morale de l’Église et corrompre jusqu’au principe même de cette autorité. Ce que le pape pensait être une opération de police, accidentelle, et commandée par les circonstances, allait se transformer, sous le poids des événements, en un système d’oppression méthodique, et Rome allait devenir, pour des millions de chrétiens d’Occident, un objet de haine et de mépris.
    Les circonstances qui ont amené Innocent III à sévir contre le comte de Toulouse justifient, à priori, l’appel du pape : les terres soumises, de près ou de loin, à l’autorité du comte, étaient gagnées par l’hérésie, et le 14 janvier 1208 le légat du pape, Frère Pierre de Castelnau, avait été assassiné à Saint-Gilles par un officier de Raymond VI.
    Le meurtre
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