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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur
Autoren: Zoé Oldenbourg
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 siècle, les invasions des Anglais et celles des Aragonnais, qui ravagent le Toulousain et le Rouergue. Raymond V, le père de Raymond VI, passe sa vie à se défendre contre ses dangereux protecteurs ; et, en 1181, il compte, dans les rangs des alliés de son adversaire le roi d’Aragon, ses principaux vassaux, les comtes de Montpellier, de Foix et de Comminges et le vicomte de Béziers. Il est le beau-frère de Louis VII dont il a épousé la sœur. Constance, et le roi vient, en effet, à son secours pour le protéger contre l’Anglais ; il se comporte envers sa femme de telle façon qu’il est bientôt obligé de se brouiller avec le roi de France et de transférer son hommage au Plantagenet ; mais le vieux roi d’Angleterre, Henri II, est en guerre contre son fils, Richard Cœur de Lion, et celui-ci, à la tête de son armée de routiers, envahit le Toulousain. Tout ceci montre que la politique de bascule a ses dangers ; mais les comtes de Toulouse ne renonçaient pas à leur indépendance. Les rois de France, d’Angleterre et d’Aragon leur donnaient leurs sœurs en mariage et recherchaient leur alliance : sur leurs terres, les Raymond ne devaient obéissance à personne.
    Mais ces mêmes comtes de Toulouse étaient presque aussi peu maîtres dans leur province que les rois de France ne le sont dans le comté de Toulouse. Les Trencavel, vicomtes de Béziers, ont un domaine qui comprend le Carcassès, l’Albigeois, le Razès, et leurs territoires, qui s’étendent du Tarn aux Pyrénées, sont terres vassales du roi d’Aragon. Pendant tout le XII e  siècle, les comtes de Toulouse lutteront sans succès contre la puissance grandissante des Trencavel. Les comtes de Foix, retranchés dans leurs montagnes, ne sont pas davantage soumis à l’autorité des comtes de Toulouse, avec lesquels ils ne s’allient que pour lutter contre les Trencavel. Les ligues de vassaux contre le comte se forment et se défont perpétuellement, au gré des intérêts de chaque participant.
    Ces exemples donneraient une triste idée de la situation politique du Languedoc à la veille de la croisade, si l’on ne tenait pas compte du fait qu’il en allait à peu près de même pour tous les royaumes d’Occident, que les rois de France ont eu à lutter contre des ligues de vassaux. Qu’en Angleterre la lutte systématique des féodaux contre le pouvoir royal aboutit à la Grande Charte ; que l’Allemagne et l’Italie sont le théâtre de guerres chroniques allant de la lutte pour l’Empire aux rivalités de clochers. Bref, à cette époque, où le lien moral qui liait l’homme à son seigneur et à son Église était une force réelle et indiscutée, la conduite de chacun semblait inspirée par le dicton populaire : « Charbonnier est maître en sa maison ».
    Ces hommes qui ne parlent jamais de liberté agissent le plus souvent comme s’ils n’avaient d’autre idéal et d’autre bien à défendre que leur liberté. On voit des villes se révolter contre leur seigneur légitime par peur de voir restreindre leur liberté de se gouverner elles-mêmes, les évêques tenir tête aux rois, voire aux papes, les seigneurs faire la guerre aux évêques, tous semblent mettre leur point d’honneur dans le refus de toute contrainte. Dans le Midi de la France, cet état d’esprit avait atteint son apogée, car le pays était de civilisation ancienne, riche, orgueilleux de son passé et avide de progrès.
    Nous venons de voir que le comte de Toulouse n’est pas maître de ses vassaux ; mieux que cela : sur ses propres terres qui lui sont par tradition fidèles, il ne peut lever une armée et est obligé de faire appel à des mercenaires. Bien souvent s’il veut faire appel à ses vassaux, il n’a même pas à qui s’adresser : alors que dans le Nord l’héritage d’un seigneur passait à sa mort au fils aîné, dans le Midi le fief était partagé entre tous les enfants et, après trois générations, un château pouvait appartenir à cinquante ou soixante « co-seigneurs », lesquels à leur tour, par mariage ou succession, pouvaient être aussi « co-seigneurs » d’autres châteaux ; les grandes propriétés n’avaient pas de chef, mais tout au plus un gérant. Les frères et cousins ne s’accordant pas toujours entre eux, un fief, même important, ne constituait pas une unité militaire, comme c’était le cas en France.
    Le comte n’est pas davantage maître dans les grandes villes qui sont
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