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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval
Autoren: Élie Faure
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prenne fin en l’an 1453 de
notre ère, année fatidique, il est vrai, puisqu’elle vit à la fois
se terminer la guerre de Cent Ans et tomber l’Empire byzantin.
Cette façon de découper l’Histoire, dont je ne conteste pas la
commodité, rappelle les résolutions héroïques de ces paresseux qui
prétendent travailler, de ces ivrognes qui prétendent ne plus
boire, de ces violents qui prétendent ne plus s’emporter, ou, si
vous le préférez, de ces tendres résolus à être implacables et de
ces enthousiastes déterminés à être indifférents et froids à partir
du lundi de la semaine suivante après leur petit déjeuner. En
réalité, nous attachons à notre insu au qualificatif de
« 
moyen âge », l’idée d’un ensemble d’institutions
politiques et sociales, d’aspirations religieuses, de doctrines
philosophiques, entourées d’une brume mystique un peu confuse, qui
donne à toute une série d’états spirituels de l’humanité, aussi
bien en Orient qu’en Occident, une apparence de parenté plus ou
moins étroite, représentée notamment par les expressions figurées
qui nous en restent. On peut dire qu’en général, toutes les fois
qu’une illusion collective à peu près unanime accepte de céder le
pas à un sentiment de curiosité croissant qui pousse l’individu à
rechercher, par des moyens d’investigation personnels et des moyens
de contrôle objectifs, la solution des énigmes que le monde
intérieur et le monde extérieur lui proposent, l’esprit médiéval se
termine, ou s’endort momentanément, ou se transforme dans le
devenir humain.
    L’homme, à coup sûr, pense, ou tente de
penser par lui-même à toute époque, ne fût-ce que pour satisfaire
sa faim et son besoin sexuel, tous deux source, le second surtout,
des plus hautes aspirations de l’âme. Mais parfois, la croyance
unanime qui caractérise à peu près partout les populations de type
primitif, prend un caractère soudain d’entraînement, d’allégresse,
d’enthousiasme et de conquête qui se confond presque toujours avec
quelque synthèse religieuse et emporte les résistances pour édifier
un poème métaphysique et social que des œuvres plastiques ou
poétiques traduisent avec autant de puissance que d’ingénuité.
C’est seulement quand cette croyance s’affaisse que l’individu se
dessine en vigueur sur le fond des multitudes et tente de dominer
les habitudes de l’ambiance pour proposer de nouvelles directions
et de nouvelles solutions. Or, alors que ce travail dramatique a
commencé en Europe, dès le XIV e siècle ou même

en Italie par exemple

dès le XIII e , à
disloquer l’armature unanime des esprits, cinq cents ans après, de
nos jours, ou hier en tout cas, il n’avait même pas ébauché ses
constructions hasardeuses chez certains primitifs de Polynésie ou
d’Afrique, qui semblaient n’être pas même sortis d’un état
préparatoire à la culture médiévale telle que nous la définissons
plus haut. Chose plus impressionnante encore, des civilisations
grandioses, comme l’Islam, la Chine, et plus encore l’Inde,
paraissaient toujours enfoncées, quels que fussent les progrès de
la culture européenne chez elles, dans un état politique, social,
religieux, moral qui ne différait pas sensiblement de ce qu’il
était dix, quinze ou même vingt siècles auparavant. L’unité
théocratique, féodale, philosophique, y maintenait les volontés et
les curiosités dans un cadre à peu près immuable qui leur donnait
une apparence très voisine, jusques et y compris surtout leurs
manifestations artistiques, des époques confuses que représente à
nos yeux le moyen âge occidental. L’individu y semblait submergé
presque entièrement dans l’anonymat de la masse, comme quelque
sécrétion perlière dans les profondeurs de la mer.
    S’il ne s’était agi que de l’Inde, je
n’aurais éprouvé aucun scrupule à présenter ses manifestations
plastiques, au XVIII e siècle par exemple, comme
contemporaines de l’esprit des mosquées d’Afrique et surtout des
cathédrales d’Occident. C’est la Chine, et le Japon surtout, qui,
regardés d’un peu plus près, ont éveillé ce scrupule. J’ai
seulement pu le vaincre en constatant que, jusqu’au milieu du
XIX e siècle, la personnalité de l’une ou de l’autre ne
s’était pas laissée sensiblement entamer par l’invasion morale de
l’Occident, et que les changements intérieurs qui y étaient
survenus
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