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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval
Autoren: Élie Faure
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définir. Si le mysticisme est cette forme de
désespoir qui précipite l’âme humaine, à des heures d’affaissement,
vers des dieux extérieurs entre les mains desquels elle abdique
toute volonté et tout désir, vers des jardins qui ne s’ouvrent
qu’aux morts pour leur offrir des fleurs qui sentent le cadavre,
les premiers temps du christianisme ont peut-être seuls connu ce
mysticisme-là, où un minimum d’humanité subsiste dans la plus
grande somme de superstitions et de pratiques religieuses. Mais si
le mysticisme apparaît sous cette forme d’espoir frénétique et
vivant qui se rue dans les champs touffus de la sensation et de
l’action et recueille dans sa substance l’envahissement simultané
de toutes les forces du monde qui l’approuvent, le renouvellent et
l’exaltent, il est l’esprit créateur même à qui son accord avec
elles, révèle ses propres moyens. Quel que soit le dieu qu’il
adore, et même s’il nie tous les dieux, celui qui veut créer ne
consent pas à lui-même s’il ne sent pas couler dans ses artères
tous les fleuves, même ceux qui charrient du sable et de la
pourriture, s’il ne voit pas briller toutes les constellations,
même celles qui sont éteintes, si le feu primitif, même figé dans
l’écorce du globe, ne consume pas ses nerfs, si les cœurs de tous
les hommes, même de ceux qui sont morts, même de ceux qui sont à
naître ne battent pas dans son cœur, si l’abstraction ne monte pas
de ses sens à son âme pour l’associer aux lois qui font agir les
hommes, couler les fleuves, brûler le feu, tourner les
constellations.
    Or partout, ou à peu près partout au Moyen
Âge, les créateurs eurent ces heures de communion confuse et sans
limite avec le cœur et l’esprit de la matière en mouvement. Et ce
qu’il y a d’admirable, c’est qu’aucun ou presque aucun d’eux ne
nous a laissé son nom. Il y eut là, vraiment, un phénomène
peut-être unique dans l’histoire, les masses populaires même
faisant passer leur force dans la vie qui refluait en elles
incessamment, un abandon passionné des multitudes à la poussée
aveugle de leurs instincts régénérés. L’antiquité – l’antiquité
grecque du moins – n’avait pas connu cette heure, parce qu’elle
avait assuré ses conquêtes dans un effort progressif. Ici, les
peuples retrouvaient d’un seul coup le contact perdu avec le monde,
et comme les conquêtes de leur passé vivaient encore à leur insu
dans la puissance virtuelle qui les habitait, la reprise se fit
dans un prodigieux tumulte. Les multitudes bâtirent elles-mêmes
leurs temples, le choc d’un cœur obscur scella chaque pierre
entassée, il n’y eut jamais pareil jaillissement de voûtes, de
pyramides, de clochers et de tours, pareille marée de statues
montant du sol comme des plantes pour envahir l’espace et s’emparer
du ciel. De l’Insulinde et de l’Himalaya à l’Atlantique, de l’Atlas
à la mer du Nord, des Andes péruviennes au golfe du Mexique, un
élan d’amour irrésistible souda, à travers l’étendue, des mondes
qui s’ignoraient. L’architecture, l’art anonyme et collectif,
l’hymne plastique des foules en action sortit d’elles avec une si
profonde rumeur, avec un tel emportement d’ivresse qu’elle apparut
comme la voix de l’universelle espérance, la même chez tous les
peuples de la terre cherchant dans leur propre substance les dieux
qu’on dérobait à leurs regards. Quand ils eurent vu la face de ces
dieux, les bâtisseurs de temples s’arrêtèrent, mais ils eurent un
tel geste de désespoir qu’il brisa l’armure de fer où les
théocraties muraient l’intelligence, et que l’individu décida de se
conquérir.

Préface à la nouvelle édition (1923)
    Ce livre présente un défaut de composition
manifeste. Mais, pour des raisons analogues à celles qui m’ont
retenu quand je me suis demandé si je récrirais le premier volume
de l’ouvrage
[1] ,
j’ai
préféré l’abandonner à son destin, quitte à m’en expliquer dans ce
nouveau préambule. L’art exotique, même dans ses manifestations
contemporaines, y figure sous le même titre que l’art du moyen âge
chrétien ou islamique, et paraît ainsi présenter avec lui une
concordance chronologique qui peut donner lieu à des confusions
graves. De ce point de vue, je l’avoue, le reproche qu’on m’a fait
est justifié, en admettant bien entendu que le moyen âge, comme
l’enseignaient naguère les historiens,
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