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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval
Autoren: Élie Faure
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Le mouvement
épuisait peu à peu son rythme. Il était nécessaire qu’un grand
repos succédât à la dépense d’énergie d’où sortit l’avenir du
monde, et que la nature de l’homme se repliât sur elle-même pour
imposer à son esprit trop tendu, à ses sens pervertis, l’oubli de
leurs conquêtes et le désir de remonter à leurs sources
naturelles.
    Du jour où l’unité de l’âme grecque commence à
se dissocier, où deux courants se dessinent dans la pensée des
philosophes et la sensibilité des artistes, où Platon et Praxitèle
opposent la vie spirituelle au matérialisme de Lysippe et
d’Aristote, de ce jour la jeunesse des hommes a cessé d’enchanter
le monde. Leurs tendances antagonistes, le rationalisme qui brise
l’élan de l’instinct, le sensualisme qui détraque la volonté
conduisent l’une et l’autre à la négation de l’effort. Et le
sceptique et le mystique ouvrent le chemin aux apôtres qui viennent
semer dans le cœur inquiet des multitudes, avec le remords d’avoir
vécu trop pleinement, la soif de racheter l’impureté du corps par
une telle exaltation de l’âme, que mille ans seront nécessaires aux
peuples occidentaux pour qu’ils retrouvent, dans un nouvel
équilibre, leur dignité.
    C’est par la fusion dans le courant
spiritualiste de la métaphysique et de la morale, par la projection
hors de nous-mêmes, qui sommes mauvais et corrompus, d’un absolu
vis-à-vis duquel nous avons le devoir de nous repentir d’être nés,
que le monothéisme se formula pour la première fois avec
intransigeance dans la doctrine des prophètes hébreux. Dieu,
désormais, était sorti du monde, l’homme ne pouvait plus
l’atteindre qu’au-delà de sa propre vie. Cette prétendue unité
divine des théologiens installait dans notre nature ce terrible
dualisme qui fut à nous tous, sans doute, et qui reste à chacun de
nous une épreuve indispensable. C’est lui qui nous a fait errer de
longs siècles à la recherche de nous-mêmes. C’est lui qui a
maintenu mille ans au fond de nous ce débat douloureux entre les
sollicitations des sens et la hantise du salut. Mais c’est
peut-être grâce à lui que nous savons que notre force, c’est
l’accord poursuivi dans la souffrance et réalisé dans la joie de
notre animalité sainte et de notre sainte raison.
    L’art, qui est précisément la manifestation la
plus expressive et la plus haute de cet accord et la forme vivante
qui jaillit des amours profondes de la matière et de l’intelligence
pour affirmer leur unité, l’art devait mourir en même temps que les
croyances naturistes quand les religions éthiques apparurent pour
nier l’utilité de son action et précipiter l’humanité sur des voies
opposées à celles qu’elle suivait jusqu’alors. Les Juifs, déjà, qui
firent entrer dans la pensée occidentale l’esprit imposant et
stérile des solitudes, haïssaient et condamnaient la forme. Les
Arabes, nés du même rameau, allaient manifester leur dédain pour
elle. Il fallut le contact du sol européen, de ses golfes, de ses
montagnes, de ses plaines fertiles, de son air vivifiant, de sa
variété d’apparences et des problèmes dont il propose à l’esprit la
solution, pour arracher les peuples qui l’habitent, après dix
siècles de luttes douloureuses, d’efforts sans cesse brisés et
repris, à l’étreinte puissante de l’idée sémitique. Il fallut que
l’Inde sentît dans la substance même de l’idée bouddhique, y
tressaillant, et faisant sa force et son entraînante beauté,
l’incessant mouvement de fécondité et de mort qui fait bouger ses
forêts et ses fleuves, pour qu’elle repeuplât les temples de ses
cent mille dieux vivants.
    Au fond des grandes religions morales qui
commencèrent à prétendre à la domination du monde quand le
panthéisme de l’Inde védique et le polythéisme de la Grèce
eschylienne eurent atteint leur plus haute expression et que le
déclin commença pour elles, se faisait jour le même sentiment
désespéré de l’inutilité finale de l’action. L’homme était partout
fatigué de vivre, de penser, et il divinisait sa fatigue comme il
avait, quand il aimait agir, divinisé sa vaillance. La résignation
du chrétien, le nirvânisme du bouddhiste, le fatalisme de l’Arabe,
le traditionalisme du Chinois sont nés du même besoin pessimiste
d’éviter l’effort. Les Arabes n’ont échappé pendant quelques
siècles aux conséquences de cette idée
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