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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval
Autoren: Élie Faure
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descente et d’ascension des mers. Les rapports que
créent de l’homme à l’homme les douleurs vécues ensemble, les
espérances trop longtemps ajournées, la joie de la libération des
sens après des siècles d’ascétisme et de compression physique et
morale, il appartenait au Moyen Âge occidental de les faire passer
dans la forme, pêle-mêle avec une irruption d’enivrements matériels
qui établissent entre lui et le Moyen Âge indien une entente
obscure et magique. L’Inde brahmanique sentait vivre en elle l’âme
du Bouddha comme l’Europe gothique, entraînée par ses besoins
sociaux, sentit revivre un siècle en elle, contre les théologiens,
contre les conciles, contre les Pères de l’Église l’âme aimante,
l’âme artiste et pitoyable de Jésus.
    Mais que le réveil de la sensualité des hommes
ait pris, comme chez les chrétiens, une allure révolutionnaire,
qu’il ait, comme chez les Indiens, trouvé son aliment aussi bien
dans la passion morale de Çakia-mouni que dans la fièvre
panthéistique de Brahma, qu’il se soit manifesté, contre le
spiritualisme islamique lui-même, par l’élan des mosquées berbères,
leurs broderies de métal et de bois, le ruissellement de joyaux de
la peinture persane, qu’il ait tenté péniblement d’échapper à
l’étreinte de l’effroyable cauchemar des Aztèques pour rassembler
les lambeaux de la chair qu’on découpait sous leurs yeux, qu’il
apparaisse dans la patience des Chinois à rendre viables, au moyen
de la forme, les entités où se fixe leur équilibre moral, partout
au Moyen Âge les peuples ignorèrent le but réel qu’ils
poursuivaient, partout leur conquête de la vie universelle
s’accomplit sous le prétexte religieux, toujours avec l’appui de la
lettre du dogme, toujours contre son esprit. C’est ce qui donne à
l’art du Moyen Âge son accent prodigieux de liberté confuse, sa
ruée ivre et féconde dans les champs de la sensation, son
insouciance du langage parlé pourvu que ce langage exprime quelque
chose, un mélange désordonné de sentiments jaillissant du contact
de l’âme avec le monde dans la force nue de l’instinct. La
recherche philosophique qui imprime à tout l’art antique son
acheminement vers l’harmonie formelle est rendue inutile ici par
l’ancre du dogme qui laisse, hors de lui, les sens rajeunis et sans
entraves libres de se soulager, et l’universel amour refuser le
contrôle de l’humaine volonté. L’admirable logique des maîtres
d’œuvre français du Moyen Âge s’applique à réaliser un objet
d’abord pratique, et si l’Arabe dresse sur le désert l’image
abstraite de l’esprit, il remplit de roses et de femmes ses frais
Alhambras. L’immortel Dionysos a reconquis la terre, mêlant à sa
fièvre sensuelle l’amour du Bouddha, la douceur de Jésus, la
dignité de Mahomet, et quand Prométhée, par la Commune occidentale,
renaît à ses côtés, Prométhée s’ignore lui-même, il est, lui aussi,
inondé d’ivresse mystique. Le Moyen Âge a recréé la connaissance
contre les dieux qu’il adorait.
    C’est toujours contre les dieux qu’elle se
crée, cette connaissance mortelle, même quand ces dieux expriment,
comme ceux de l’Olympe grec, les lois qu’il s’agit de comprendre
pour parvenir à la réaliser. Une inévitable confusion s’est faite
en nous, entre le prétexte de nos croyances et leur véritable sens.
Depuis toujours, nous avons vu l’art et la religion suivre la même
route, l’art accepter de se mouvoir presque exclusivement entre les
digues du symbolisme religieux et changer d’apparence aussitôt
qu’un dieu en remplace un autre. Nous ne nous sommes jamais demandé
pourquoi toutes les religions, même quand elles se combattent,
s’expriment en des formes qui leur survivent constamment et dont le
temps finit toujours par déterminer l’accord et la nécessité. Nous
ne nous sommes jamais demandé pourquoi les plus belles créations
des artistes ne coïncident pas toujours avec les minutes les plus
intenses de l’exaltation religieuse, pourquoi la même religion
garde souvent le silence au cours de sa jeunesse et ne s’exprime
parfois que lorsqu’elle touche à son déclin. Nous ne nous sommes
jamais demandé pourquoi les imagiers français n’ont imprimé leurs
désirs dans la pierre des cathédrales qu’après le mouvement de
révolte qui assura la vie de la Commune contre l’oppression du
prêtre et du seigneur, pourquoi les signes
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