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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps
Autoren: Robert Margerit
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LA LIBERTÉ OU LA MORT
    Lorsque nous nous promenions en devisant dans les allées de sa demeure limousine, à Thias, Robert Margerit m’assurait souvent qu’il eût voulu vivre non pas en ce temps qui était nôtre mais au XVIII e siècle. C’était, je pense, chez mon ami, nostalgie de l’aventure libertine et raffinée d’un monde qui échappait aux pesanteurs de l’âge ancien sans encore s’engager dans le carcan des contraintes modernes. D’ailleurs, le goût du jeu tragique propre aux partenaires complices des Liaisons dangereuses, ne le retrouve-t-on pas dans plusieurs œuvres de Margerit ? N’est-ce pas, par exemple, ce penchant qui mène, de l’amour à la mort, Dormond, le démon et la victime inoubliable de Mont-Dragon ?
    Pourtant, ce ne fut point le versant du XVIII e siècle galant, narguant avec effronterie la statue du Commandeur, qui s’imposa à l’écrivain lorsqu’il plaça à Thias, précisément dans la maison et le parc où nous avions coutume de nous rencontrer, le début de son roman – qui nous transporte à la fin de l’été de 1788. C’est l’autre pente de l’âme de ce siècle, la part tendre et rêveuse, assoiffée de sublime et annonçant l’aube à venir du Romantisme, que Robert Margerit avait choisi cette fois de faire sienne, ou plus exactement d’éclairer à travers le destin de trois jeunes Limousins qui pourraient être frères des héros de Rousseau ou de Goethe. Lise, dans la blondeur de ses dix-huit ans, aimée de deux hommes, Bernard et Claude. À ce dernier, malgré elle, son père va la marier. Elle les aimera l’un et l’autre, cependant que l’un et l’autre feront assaut d’altruisme, d’esprit de sacrifice pour répondre à la double et douce passion de leur idole.
    « Ainsi, leur bonheur n’aurait duré qu’un été. » Tel est l’incipit alexandrin qui ouvre le récit. Et certes celui-ci aurait pu être le poème émouvant et charmant de cette idylle à trois. Mais l’idylle, sans que se perde jamais l’Amour, le Temps va la jeter bientôt dans les traverses de l’Histoire : au cœur de la tourmente révolutionnaire. Et Robert Margerit, édifiant à partir de là sa tétralogie monumentale, va faire revivre, avec une maîtrise qui nous éblouit, ce temps terrible, déchiré sur deux siècles, par lequel l’histoire de l’humanité fut à jamais bouleversée. Ce chef-d’œuvre en quatre tragédies (L’Amour et le Temps, Les Autels de la Peur, Un vent d’acier, Les Hommes perdus) est parfaitement digne de son sujet prométhéen : par son ampleur, son souffle, sa prodigieuse analyse des mécanismes historiques et humains et, pour tout dire, par le génie visionnaire qui s’y déploie.
    Aucun autre roman que je sache n’a ainsi évoqué dans son immensité et dans sa redoutable complexité la Révolution française. L’érudition impressionnante de l’historien est ici mise au service des dons admirables du romancier : qualité de l’écriture infiniment sensible et précise, investigation à la fois intuitive et déductive des vérités secrètes – qu’elles se situent à la source des actes individuels ou qu’elles commandent le mouvement des foules. En outre, l’écrivain se révèle une fois de plus un grand peintre – proche tantôt de l’intimisme d’un Louis-Léopold Boilly, tantôt de l’art monumental d’un David, tantôt encore de la cruauté d’un Goya. Cela nous vaut maints portraits fascinants, des paysages d’une luminosité intense ou au contraire voilés de mystère, des vues de Paris chatoyant sous les milliers d’oriflammes des Fêtes révolutionnaires, parfois élégantes et paisibles, voire joyeuses – entre deux alertes –, parfois empreintes de majesté, de retenue – à l’approche de l’insurrection – parfois proprement dantesques – sous l’emprise de la Terreur…
    Les forces ténébreuses associées, en maints romans de Robert Margerit, au destin de certains personnages pour lesquels l’amour a partie liée avec la mort acquièrent ici une horreur quasi sacrée. C’est que ces puissances de ténèbres obéissent – en même temps qu’elles le dominent – au « personnage » avec quoi se confond pour finir le livre en son entier : la Révolution elle-même, ici évoquée comme un être de chair et de sang. Cette Révolution, l’auteur nous la donne non seulement à lire mais, en fait, à vivre : dans sa frénésie, ses énigmes, ses moments d’accalmie ou de
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