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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps
Autoren: Robert Margerit
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n’aurait duré qu’un été !…
    Dans ce nid de feuillages, près de l’eau calme et sombre sous les ormes, l’amour était né pour eux avec les fleurs des joncs. L’odeur des foins flottait alors autour de l’étang ridé par la brise tiédissante. Maintenant, les frondaisons jaunissaient à peine mais déjà les colchiques étendaient leurs nappes mauves parmi les jachères, sur les pentes descendant du hameau. Par moments, l’air s’épaississait d’une douceur sirupeuse et sure : parfum des fruits tombés, en train de blettir sous les arbres dans des vrombissements d’abeilles. Le ciel blanchissait, une brume embuait les collines, au loin.
    « Non, ce n’est pas possible ! Je ne puis vous croire. ».
    Il la regardait intensément. Dans la fraîcheur et la grâce de ses dix-huit ans, elle était ravissante. Des boucles à l’anglaise, blondes, blanchies d’un œil de poudre, caressaient son cou dégagé par le fichu en mousseline sous lequel se renflait sa gorge. Sa robe de barège, rayée d’un bleu pareil à celui de ses yeux, s’ajustait étroitement à la taille, prenait de l’ampleur sur les hanches. Le tissu tombait en plis droits jusqu’aux chevilles, découvrant des pieds charmants.
    « Bernard, je vous en prie ! répondit-elle en joignant les mains. Comprenez-moi, j’ai tant de peine !
    — Mais pourquoi cédez-vous ? Non, je ne vous comprends pas. Il faut continuer à lutter, Lise, voyons !
    — Comment résister quand on n’a plus d’espoir ? Dimanche dernier, après votre départ, Thérèse a essayé encore une fois de le convaincre. Il ne l’a pas écoutée, il m’a ordonné d’obéir. Que puis-je faire d’autre ? Je suis prête à tenter n’importe quoi. Hélas ! je sais trop à présent qu’il n’existe aucun recours ! » acheva-t-elle en laissant avec accablement retomber ses mains.
    Que répondre ? Fuir avec elle ? Son père demanderait contre eux une lettre de cachet. D’ailleurs, ce n’était pas une fille que l’on enlève. Non, il n’y avait jamais eu pour eux d’autre solution que d’obtenir le consentement de M. Dupré. Lise finirait par y réussir, pensait Bernard. Il mettait en elle toute sa confiance. Sans doute un petit commis mercier de vingt-trois ans n’était pas pour elle un brillant parti, cependant M. Dupré lui-même n’avait pas eu des débuts plus glorieux, et il l’estimait, lui et sa famille. Lise triompherait. Jusqu’à ce jour, en dépit des menaces croissantes, il en restait convaincu. Et voilà qu’elle venait, l’air affligée, quoique sans larmes, lui déclarer en somme : Je suis vraiment désolée, Bernard, cela me fend le cœur, mais tout est fini entre nous.
    Il la considérait avec une stupeur où bougeait déjà la colère.
    « Alors, vous allez obéir. C’est monstrueux ! Monstrueux, il n’y a pas d’autre mot. Comment pouvez-vous accepter une chose pareille.
    — Je vous en supplie ! Je ne l’accepte pas, je suis obligée de la subir. »
    Des mots ! Ils ne changeaient rien à une réalité qui le rendait furieux. Ses poings se serraient. Dans son beau visage brun, ses yeux devinrent plus noirs.
    « Vous avez fait la coquette avec moi. Pour vous, tout cela c’était un amusement. Ah ! je suis bien naïf ! Comme vous avez dû rire de mon béjaune !
    — Bernard ! se récria-t-elle avec un regard d’enfant injustement giflé, vous ne pensez pas cela, j’espère. Je suis si malheureuse !
    — Allons donc ! cessez cette comédie, elle ne m’abuse plus. J’y vois clair à présent. Vous serez la femme d’un avocat au Présidial, la belle-fille du directeur de la Manufacture royale de porcelaine : voilà une condition autrement flatteuse que celle de petite mercière. Avouez-le, allons ! »
    Pour le coup, Lise s’enflamma. Ses petites narines se gonflèrent. « Si vous avez de moi un tel sentiment, nous ne perdrons beaucoup ni l’un ni l’autre en nous perdant, » répliqua-t-elle.
    Le sang lui était monté au visage, la rendant plus jolie que jamais avec ce rose aux pommettes, le bleu verdi de ses yeux, et, sur ses traits, une expression de dignité, de reproche s’effaçant sous le dédain.
    « Si je vous chagrine, reprit-elle, c’est malgré moi. Tandis que vous, vous me blessez volontairement, par vengeance. Je ne vous aurais pas cru méchant.
    — Par vengeance ! Vous vous flattez. Pensez-vous que je vous regrette à ce point ? Je sais une fille que j’ai eu
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