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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois
Autoren: Jean Markale
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qu’elle soit chrétienne ou non, une
tentative qui bat en brèche cette sacro-sainte institution est nécessairement
subversive, donc, dans la terminologie médiévale, teintée de diabolisme. Oui, mais
le problème se complique dans la mesure où l’amour courtois, tel qu’il apparaît
dans sa codification théorique et tel qu’il est vécu dans les récits
romanesques du temps (exemples de Lancelot et de Tristan), prétend substituer
de nouvelles règles de comportement à l’intérieur même de cette société au
détriment d’anciennes lois que l’on pouvait considérer comme définitives et
avalisées par la morale chrétienne. En un mot, en alliant l’amour dans ce qu’il
a de plus absolu et de plus exaltant et l’action masculine, on en arrivait à
formuler une authentique philosophie du comportement profondément différente et
même contradictoire.
    Cette alliance de l’amour, considéré auparavant comme un
plaisir facile mais émollient, voire comme le repos bien gagné du guerrier, avec
l’action guerrière elle-même, permettant d’atteindre la prouesse dans un
dépassement de soi-même, voilà l’idée neuve qui fait son chemin à partir du XI e  siècle, d’abord bien timidement, pour
parvenir à une exaltation forcenée et parfois exagérée d’un rapport inédit
entre l’homme et la femme. Certes, il ne s’agit pas de n’importe quel rapport, pas
plus qu’il ne s’agit de n’importe quel homme et de n’importe quelle femme. La
femme est idéalisée, transcendée, divinisée : c’est une femme d’un rang
élevé, elle ne peut être moins que la femme du seigneur. Quant à l’homme, ce n’est
jamais le mari : celui-ci serait l’égal de son épouse, et le jeu serait
vain. L’homme est nécessairement plus bas dans
l’échelle sociale, la plupart du temps un chevalier qui n’a ni domaines, ni
fortune personnelle. Mais il possède une potentialité
d’être . Et grâce à la femme dont il va adorer l’image et qu’il va servir jusqu’à l’extrême limite de ses possibilités,
il mettra cette potentialité d’être en fonctionnement, il accomplira donc des
prouesses qui le feront aimer de la femme adorée et pourra, si toutes les conditions
sont remplies, recevoir la récompense qu’il mérite. Mais, ce faisant, il va
lui-même franchir des stades d’évolution, il va en quelque sorte subir une
rigoureuse initiation qui le conduira à un rang supérieur auquel il n’aurait
pas eu accès sans la motivation provoquée par la femme. Son « service d’amour »,
même dirigé de façon immorale vers la femme de son seigneur, va engendrer une
action bénéfique sur la société à laquelle il appartient. Et c’est la société
tout entière qui bénéficiera en dernière analyse de ce curieux amour adultère. Le
comble de l’ambiguïté paraît alors atteint.
    C’est pourquoi il est impossible de considérer l’amour courtois,
jeu de société et jeu littéraire fort productif au Moyen Âge, sans faire de
sérieuses références au couple qu’il constitue et anime. La dame de l’amour
courtois est certes très importante dans la mesure où elle constitue un pivot
autour duquel vont tournoyer de possibles amants. Mais cette dame n’est rien
sans ces amants qui, aveuglés par la beauté lumineuse de la femme, vont se
prendre au piège et s’agglutiner devant elle. Cette dame, en définitive, ne
serait rien sans celui qu’elle va choisir parmi les prétendants, celui avec
lequel elle va engager un véritable rituel de « possession », un
cérémonial d’envoûtement qui va conduire l’homme à transgresser les interdits sociaux,
moraux et même sexuels, afin de parvenir à un état d’exaltation grâce auquel
tout est possible. La notion d’individu disparaît alors pour laisser place à
celle de couple, le chevalier-amant ne se justifiant pas plus par lui-même que
la dame dans sa solitude orgueilleuse. Donc, comprendre l’amour courtois, c’est
comprendre d’abord le couple qui se forme au gré des circonstances et compte
tenu des codes en usage.
    Cela ne va pas sans révéler d’étranges comportements. Le couple
ainsi formé est-il vraiment aussi innocent qu’on voudrait nous le faire croire ?
S’agit-il d’un couple seulement lié par un serment d’amour spiritualisé à l’extrême
et digne de la dévotion qu’avait saint Bernard de Clairvaux à l’égard de la
Vierge Marie ? S’agit-il simplement d’un moyen commode et somme
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