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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois
Autoren: Jean Markale
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Introduction
    LE JEU DE L’AMOUR
    ET DE L’EXPLOIT
     
     
    Les turbulences qui ont marqué, dans tous les domaines, ce
qu’il est convenu d’appeler l’An Mil, ont provoqué une remise en cause de la
société occidentale chrétienne tout entière, sans pour cela mettre en doute le
principe fondamental qui l’anime, la fameuse loi des trois ordres, laquelle n’est
autre que la vieille répartition tri-fonctionnelle des Indo-Européens. Cette
société chrétienne se cherche à travers les événements et les spéculations
intellectuelles de quelques-uns, à travers les bouleversements qui accompagnent
une interrogation nouvelle : quel sens doit-on donner à un monde que l’on
croyait dans sa phase finale et qui, en dépit des prophètes de malheur et des
poètes délirants de l’eschatologie, a maintenant toutes les chances de perdurer,
du moins jusqu’à une autre crise. En attendant cette crise, il apparaît
nécessaire d’organiser le monde d’une façon conforme à ce que l’on croit être
le plan divin. Et c’est sur l’interprétation à donner à ce plan divin, révélé
sous forme symbolique par les Écritures, que des divergences peuvent se
manifester. L’ère de ce qu’on appelle fâcheusement les « hérésies »
ne fait que commencer. Heureusement, les bûchers sont encore assez rares, et il
faudra attendre la création de l’Inquisition pour que la situation devienne
tragiquement irréversible.
    À partir du XI e  siècle,
une Europe nouvelle et méconnaissable se réveille des nuits de cauchemars de l’An
Mil, une Europe qui commence à peine à intégrer les différents apports de sa
longue gestation dans une synthèse qui deviendra de plus en plus harmonieuse
avant de se stériliser à la fin du Moyen Âge, par suite de l’usurpation
accomplie par l’Église romaine dans les domaines de la spiritualité et du
savoir. Du XI e à la fin du XIII e  siècle, une fantastique révolution se produit,
une révolution au vrai sens du terme, c’est-à-dire se terminant par un retour
au point de départ, et non pas dans l’acception moderne du mot qui suppose un
changement d’orientation. Or, du XI e au bout
du XIII e  siècle, c’est l’époque de l’amour
courtois, qu’il serait préférable d’appeler la fin’amor ,
tout au moins l’époque où cet amour courtois se manifeste dans la vie
spirituelle, intellectuelle et spéculative autant que dans la vie littéraire, laquelle
est la seule à avoir laissé des traces durables et riches de significations.
    Il serait cependant insuffisant de ne considérer cet amour
courtois que sous son aspect littéraire. Cet aspect constitue le sommet émergé
de l’iceberg, et la partie immergée est beaucoup plus considérable. Le problème
est que cette partie immergée risque fort, une fois mise en lumière, de
déranger les idées reçues et de remettre en cause tout le système sur lequel s’est
établie la fin du Moyen Âge.
    D’ailleurs, si le mot Moyen Âge est une désignation commode
pour rendre compte de la période qui va de la chute théorique de l’Empire
romain à la Réforme, il n’est pas autre chose qu’un repère chronologique. Il
est constitué de tant de périodes diverses et même contradictoires qu’il serait
vain de vouloir en faire une totalité organisée et structurée de façon
cohérente. Il y a autant de « Moyen Âge » que de tentatives pour
expliquer le monde et l’être humain en fonction des multiples interprétations
qu’en avaient données les civilisations antérieures, aussi bien celles qu’on
peut classer comme indigènes, donc « barbares », que celles qui ont
été implantées, de gré ou de force, dans les pays constituant l’Europe
occidentale.
    Si l’importance de la latinité – le terme étant préférable à
celui de romanité – est absolument indéniable, il faut quand même reconnaître
que cette latinité n’est pas la seule composante de ce qui est en train de se
construire, peu s’en faut. Certes, l’Europe occidentale se définit comme latine,
face à l’Europe orientale qui est grecque. Certes, la langue latine, soit directement,
soit indirectement, en particulier par la voie de la religion, est en position
dominante, voire en situation d’hégémonie. Mais c’est oublier que la langue
latine introduite en Gaule était ce que les linguistes appellent du « bas
latin », c’est-à-dire du latin classique fortement évolué et perverti sous diverses
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