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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois
Autoren: Jean Markale
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pour la plupart toulousains, auvergnats ou limousins),
laquelle se trouve teintée de catharisme et de souvenirs datant de l’époque
wisigothique. C’est ensuite la persistance des éléments celtiques dans l’Occitanie
montagneuse et dans la vallée du Lot notamment, où ces éléments se sont
maintenus à travers un vernis très fragile de romanité et de christianisme plus
ou moins marginalisé. Cette « celticité » apparaît on ne peut plus
nettement dans l’architecture et l’ornementation des églises romanes, dans les
récits populaires oraux et dans le fonds même du vocabulaire de la langue
occitane, celle-ci étant, en dernier ressort, beaucoup plus proche du gaulois
du temps de l’indépendance que la langue d’oïl pervertie par de nombreuses influences
et plus directement exposée à un certain radicalisme latin. Et c’est aussi, chose
essentielle, le rôle d’Aliénor d’Aquitaine et de Chrétien de Troyes au XII e  siècle : la deux fois reine, de France
et d’Angleterre, a cristallisé autour d’elle non seulement les fantasmes des
troubadours, mais aussi les légendes d’origine celtique qui prenaient corps à
travers son étonnante personnalité, et Chrétien de Troyes, véritable créateur
du roman courtois, était un juif converti héritier d’une longue tradition
kabbalistique. Cela n’est pas rien. Il ne faudrait d’ailleurs pas oublier que c’est
en Champagne, autour de Troyes, que la prétendue hérésie cathare s’est d’abord
manifestée avant de se répandre de la façon que l’on sait dans l’Occitane toulousaine.
    Cela fait beaucoup de marraines féeriques autour du berceau
de l’amour courtois. Et ces marraines sont toutes d’un caractère que le Moyen
Âge classait comme « diabolique » ou « infernal ». À une
ligne de conduite dictée par l’autorité pontificale et répercutée à souhait – même
s’il y avait conflit temporel – par les diverses monarchies européennes, la
nouvelle élite intellectuelle, curieusement née à l’ombre des monastères, répondait
par des propositions qui risquaient de mettre en péril l’édifice dogmatique de
la chrétienté. Les églises romanes recèlent bien des mystères, et si la réforme
architecturale dite « gothique » est en fait une reprise en main du
troupeau des fidèles par une hiérarchie inquiète, elle n’en laisse pas moins
filtrer des épiphénomènes insolites dus aux règles secrètes de la confrérie des
bâtisseurs, ceux-ci trouvant aisément le moyen d’enrober d’orthodoxie ce qui
est pure hétérodoxie. Le Moyen Âge a ceci d’envoûtant : c’est qu’il opère
avec génie la synthèse des courants les plus contradictoires de la pensée.
    Il faut donc examiner avec prudence ce qui concerne cet
agréable jeu de société qu’on appelle l’amour courtois. Si l’on s’en tient au
stade du divertissement, il est le signe d’une élite intellectuelle et
aristocratique qui cherche à se singulariser et à opérer la distinction entre
la masse et elle. Mais si l’on s’avise de creuser la surface, on se trouve en
présence de réalités autrement redoutables et qui mettent en cause cette
société que l’amour courtois prétend exprimer et codifier.
    Ce n’est pas seulement le problème de la femme qui est en effet
soulevé par la casuistique élégante des cours d’amour : c’est le problème
du couple . Et c’est cela qui est d’une
importance capitale : jusqu’alors, on avait examiné l’homme et la femme
comme des êtres particuliers, avec chacun leurs qualités et leurs défauts – les
défauts de la femme étant évidemment les plus nombreux. Avant le XI e  siècle, il était établi une fois pour toutes
que l’homme travaillait, priait et guerroyait, et que la femme était, tout en
assumant son rôle de reproductrice nécessaire, le repos du guerrier, le
délassement du travailleur et l’objet de fantasmes pour le clerc qui, dans les
faits, ne se gênait nullement d’assouvir en elle ces mêmes fantasmes. La
chasteté du clergé était toujours l’objet d’un débat passionné au sein de l’Église,
même si le célibat des prêtres et la continence des moines étaient devenus des
règles officielles qu’on ne suivait d’ailleurs que très peu. Or, brusquement, la
mentalité change : on s’aperçoit que l’activité de l’homme, surtout l’activité
guerrière, peut être liée à l’activité sexuelle, donc peut être liée à la femme.
    À
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