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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois
Autoren: Jean Markale
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l’être humain. Sans l’ autre ,
il n’est que néant, non conscient de sa propre existence.
    C’est dire que l’amour courtois, art d’aimer, art de vivre
et code symbolique pour apprendre à aimer, pose en dernière analyse, quelles qu’en
soient les composantes sociales, économiques, littéraires ou simplement
sentimentales, un problème de métaphysique ontologique. Parler de l’amour
courtois fait nécessairement déboucher sur des horizons qui n’ont plus rien à
voir avec l’individu lui-même, mais qui ouvrent largement les portes de l’invisible
et du subtil.
    En fait, à partir du XI e  siècle,
l’élite intellectuelle de l’Europe, débarrassée de ses terreurs millénaristes, commence
à se demander si l’amour est un simple jeu, une simple copulation destinée à
perpétuer l’espèce, ou si cela n’est pas un moyen de parvenir à la
transcendance, un moyen de dépasser l’humain vers le divin. C’est alors que la
femme, qui jusqu’à présent, et en partie à cause des Pères de l’Église, avait
été l’objet de mépris et de méfiance, surgit de l’ombre où elle avait été
maintenue, parfois contre son gré, parfois avec sa complicité bienveillante, toujours
avec un certain masochisme béni par le clergé – qui lui-même y trouvait son
profit. Certes, c’est avec une extrême prudence que s’opère cette irruption de
la femme. On s’entoure de multiples précautions. Le peuple chrétien n’a pas
oublié que nos lointains ancêtres honoraient une déesse-mère, le plus souvent à
trois visages, une Trinité comme par hasard. Qu’à cela ne tienne : la
Vierge Marie recouvrira ce personnage sulfureux et présentera de celui-ci une
image épurée, pour ne pas dire expurgée. Des sanctuaires seront bâtis pour Notre Dame , la Mère de tous les chrétiens, notre « Bonne
Mère », celle par qui l’on doit obligatoirement passer pour atteindre Dieu.
    Mais cette Notre Dame est
universelle : chacun doit la partager avec ses frères. Si l’on enlève l’aspect
amoureux, l’aspect sexuel, elle n’est plus que la Mère. Que devient donc l’amante
dans tout cela ? Elle est refoulée du culte, de la dévotion. Mais elle
rôde dans l’inconscient. Dans les campagnes, on se livre encore à des
cérémonies bizarres en l’honneur d’une déesse qui habite les bois et qui peut
être rencontrée près des fontaines. Est-ce Artémis ou la triple Brigitte des
Celtes ? Peu importe. La sorcellerie a la vie dure, même si l’on s’efforce
de maintenir ces cultes marginaux dans le plus grand secret. Les contes populaires
de la tradition orale en garderont le souvenir sous l’aspect de la fée, bonne
ou mauvaise, jeune ou vieille, belle ou laide selon les circonstances, ou les
fantasmes du conteur. Et cela déborde sur la vie intellectuelle. Des poètes
récupèrent les vieux mythes, prennent connaissance des vieilles légendes :
Morgane est encore très vivante dans les mémoires, elle qui règne sur la
merveilleuse île d’Avallon, là où il n’y a nulle maladie, nulle faiblesse, nulle
mort, mais des fruits mûrs toute l’année. Or Morgane est une « Dame »,
c’est-à-dire une Domina , « maîtresse »,
féminin de Dominus , « seigneur ». On
voit le parallélisme entre le couple Dieu-Marie et le couple seigneur-dame. Mais
comme la dame des légendes, qui s’incarne le plus souvent en la personne de l’épouse
du seigneur, est visible, qu’elle vit de la vie d’un groupe social déterminé
mais restreint, elle s’individualise, ou plutôt elle sert de prisme
cristallisant les désirs de chacun : elle n’est plus Notre Dame , elle devient ma
dame .
    C’est alors qu’intervient l’amant. Pour qu’il y ait ma dame , il faut qu’il y ait un sujet contemplant. Dans
l’optique courtoise, ce sera le chevalier, modèle masculin de l’époque. Mais ce
peut être aussi le troubadour chantant la beauté de celle qui est inaccessible,
du moins théoriquement. La notion de couple apparaît. Il ne peut y avoir de
dame sans soupirant. Attiré par la beauté, réelle ou symbolique de la dame, le
chevalier ou le poète soupirant va tenter de l’approcher. Or, la meilleure
façon de l’approcher et de s’en faire remarquer est d’accomplir des prouesses
guerrières ou littéraires. Ainsi s’instaure un jeu subtil entre la dame et l’amant,
jeu raffiné qui n’est en définitive pas autre chose qu’une liturgie analogue à
celle qui est célébrée dans
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