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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois
Autoren: Jean Markale
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les églises en l’honneur de la Theotokos . L’amant va devenir le prêtre d’une
nouvelle Religion qui ne dit pas son nom, mais qui se développe parallèlement à
celle qui voit Notre Dame trôner sur les autels. Le profane rejoint le sacré
pour la bonne raison qu’il s’agit de la même réalité considérée sous deux aspects
différents et complémentaires.
    L’amour courtois va donc concerner non pas la dame ou l’amant
en tant qu’individus, mais le couple réel ou imaginaire qu’ils formeront
lorsque toutes les conditions rituelles nécessaires auront été remplies. Ainsi
naît le « service d’amour ». Il est à base de renoncement, de
sacrifice, de loyauté, de charme, de prières, et surtout de gestes
significatifs qui se transcendent dans ce qu’on appelle la prouesse . Car il faut mériter ma dame comme on doit tout faire pour s’attirer la
compassion de Notre Dame.
    Mais le jeu risque d’être dangereux. Débarrassée de son aspect
maternel qui est rassurant, qui est non seulement toléré mais magnifié par l’Église, ma dame risque fort de se retrouver classée
comme érotique. Et là, l’élément diabolique réapparaît, issu tout droit des
anciens cultes féminins de l’Antiquité, qu’elle soit gréco-romaine ou qu’elle
soit barbare. Un texte pourtant courtois dit que « femme est plus rusée
que le Diable », et dans la Quête du Saint-Graal ,
le Diable apparaît à Perceval sous la forme d’une femme lascive et fort
aguichante à laquelle le héros manque de peu de succomber. Les vieilles
terreurs antiféministes sont toujours là, aggravées par les réflexions
désabusées de certains Pères de l’Église. Tertullien, pourtant marié et père de
famille, ne disait-il pas que « nous naissons entre la merde et l’urine ».
À coup sûr, la femme est un être impur dont on doit se méfier, car l’impureté
est la marque de Satan.
    C’est dire la connotation quelque peu sulfureuse qui va s’appliquer
au couple dame-amant, quel que soit le degré de leur relation, purement
sentimental (autrefois, on disait « platonique ») ou franchement sexuel.
Car l’idée de mariage est totalement exclue d’un tel couple. Il semblerait même
qu’au contraire, pour que le couple courtois soit parfait, il faut que la dame
soit mariée, et qu’il y ait donc adultère réel ou symbolique. Après tout, le
modèle parfait de ce couple est bien Tristan et Yseult, ou Lancelot et Guenièvre.
Mais ce couple est bien loin de représenter l’idéal moral ou religieux du
christianisme. Est-ce que, par hasard, il n’y aurait pas quelque chose de
subversif dans cet amour courtois que nombre d’auteurs nous ont pourtant décrit
comme un simple jeu de société sans conséquence et surtout à l’usage des
privilégiés du temps ?
    Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la subversion, quelle
qu’elle soit, ne naît jamais des couches les plus défavorisées de la société. Il
est significatif que, lors des périodes troublées où s’agitent les populations,
on puisse parler de meneurs, ou même d’un « chef d’orchestre clandestin ».
Il est bien connu qu’on manipule les foules. C’est
le peuple qui a fait la Révolution de 1789, mais ce n’est pas lui qui en a eu l’idée :
celle-ci provient d’une élite intellectuelle qui a su profiter des pulsions
inconscientes du peuple et de ses justes revendications sociales. Il en est de
même à chaque bouleversement de l’Histoire : c’est l’alliance du Pouvoir
et du Savoir qui transforme le monde, et cela met en lumière la responsabilité
pleine et entière de ceux qui détiennent le Savoir ou qui prétendent le détenir.
En l’occurrence, du XI e au XIII e  siècle, les détenteurs du Savoir, qui sont
aussi bien des clercs que certains
aristocrates dits « éclairés », se comportent en manipulateurs de l’opinion :
ils infusent dans les règles sociales et morales d’une société, qui a toutes
les apparences du christianisme, des éléments bien étranges qu’ils ont
rassemblés dans ce qu’on appelle la Tradition. Mais cette Tradition est loin d’être
innocente.
    Si l’on analyse en effet les événements qui ont conduit à la
formulation de l’amour courtois, on rencontre immanquablement des courants dont
l’orthodoxie est plus que suspecte. C’est d’abord la grande tradition des
troubadours occitans (terme bien préférable à celui de « provençaux »,
les dits troubadours étant
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