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Lacrimae

Titel: Lacrimae
Autoren: Andrea H. Japp
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revenait maintenant à son frère André, et Philippe avait prié pour qu’il accueille sa jeune sœur veuve avec tendresse et générosité. Sans doute s’était-elle déguisée en bourgeoise ou en commerçante afin de ne pas se faire remarquer dans la foule. Barbette dévisagea les uns et les autres.
    Un des hommes du bailli clama la sentence au moment où Barbette était jeté sans ménagement hors du chariot.
    — Barbette Philippe, reconnu coupable de moults crimes déhontés, inimaginables et impardonnables, condamné trois fois à mort par contumace dans le royaume, coupable de surcroît de forfaiture et d’usurpation de noblesse, sera pendu, jusqu’à ce que vie l’abandonne. Son cadavre sera exposé au gibet 1 , pour que s’en repaissent les freux. Ses os tombés au sol seront ensuite dispersés.
    Lorsque, poussé brutalement par un garde, Barbette grimpa la courte échelle qui menait au chafaud, il épiait toujours la populace, cherchant Ivine. Tout à son obsession de l’apercevoir une dernière fois, d’emporter dans la mort une ultime vision de son visage d’ange, il sentit à peine la corde lui enserrer le cou. Lorsque le plancher du chafaud bascula, lorsqu’il ne parvint plus à respirer, il pria de toute sa vile âme pour que Dieu, dans Son infinie mansuétude, la protège toujours. Quant à lui, il était de taille à se frotter au diable !

    Sur la route d’Orléans, au même moment, novembre 1306
    — Dieu du ciel, qu’il est amusant ! s’esclaffa Ivine en désignant Drostan qui courait tel un fol et pirouettait de bonheur. Ne trouves-tu pas, ma chère Aude ?
    — Si fait, madame. Drôle et tendre. Et il vous aime tant qu’il se croit votre preux défenseur en dépit de sa petite taille. Quelle crête forment ses poils dès qu’il vous pense menacée !
    — Sais-tu que j’ai eu… une pensée bien mauvaise à son égard, qui me procure grande honte.
    — Vous « mauvaise », madame ? Allons, invraisemblables billevesées que cela, s’indigna Aude.
    — Si… j’ai pensé à offrir Drostan avant notre départ. Je ne voulais emmener aucun souvenir, aucun cadeau du pourceau soudard. Oh, j’aurais eu grand tort.
    — À l’évidence, madame. Souvenez-vous comme Drostan détestait l’immondice Barbette. Il grondait dès son apparition, ce qui lui valut de vicieux coups de pied.
    — Tu as raison, ma bien chère. Au diable Barbette, si le diable en veut, et il ne se montrerait pas difficile ! Effaçons-le de nos esprits à tout jamais. Qu’il meure en vil voyou, ainsi qu’il le mérite. Quant à nous, nous venons de retrouver la vie, la joie de nous éveiller chaque matin, de nous coucher chaque soir, d’exister sans peur. J’ai belle faim, moi qui me suis forcée à manger toutes ces années de captivité afin de ne pas dépérir tout à fait, car je n’ai jamais perdu la foi. Une collation et nous reprendrons notre route. Sois-en certaine, mon amie, la Sapaudia te charmera. Nos hommes sont beaux, valeureux et pour certains… très galants, pouffa la dame de Saint-Denis-d’Authou en tendant la main vers Aude qui la saisit en gloussant à son tour.
    1 - Il était de coutume d’exposer les condamnés coupables de crimes graves à l’époque, pendus à un gibet, en leur refusant l’enterrement.

LXXIII
    Carcassonne, novembre 1306
    A lard Héritier avait écouté le messager de messire Guillaume de Nogaret avec une mine sérieuse et attentive alors que l’envie de danser l’estampie 1 le démangeait. M. de Nogaret, un benêt qui avait cru à ses pathétiques mensonges ! Cette constatation réjouissait l’Héritier lorsqu’il empocha la lourde bourse tendue par le messager.
    Les ordres, verbaux – le conseiller du roi se montrant bien trop méfiant pour les confier à une plume – ravirent le coquin. Surveiller, à lui tout seul, les frontières des royaumes d’Italie et d’Espagne ? Oui-da. Que ne ferait-il pour plaire à M. de Nogaret ?
    Une fois le messager reparti, soupesant la bourse grasse, additionnant ses gains au jeu et ses autres entourloupes, Héritier songea que la vie était bien belle. Il avait menti, triché et gagné encore. Et envers un conseiller royal dont tous vantaient l’immense intelligence et la méfiance, alors même que nombre d’entre eux l’auraient volontiers poussé dans un cul-de-basse-fosse, ou pis. Cela ne faisait-il pas de lui un être d’exception ? Dieu du ciel, qu’il était satisfait de lui !
    Meule,
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