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Lacrimae

Titel: Lacrimae
Autoren: Andrea H. Japp
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meule, mon bon frère, comme notre père avant toi. Use-toi l’échine au travail. Fais des enfants à ta bonne femme. Prie Dieu de te tenir compte de tes bonnes actions. Quant à moi, je m’amuse et en viens à remercier notre père de m’avoir déshérité. Que cette vieille peau rôtisse en enfer, quand même !
    Dans son arrogance de petit calculateur, Alard Héritier ignorait un détail d’importance : sa vie ne tenait qu’à un mince fil. Le fil ténu ? Hugues de Plisans, qui cherchait à occuper M. de Nogaret aux frontières pendant que ses frères d’ordre s’acharnaient à retrouver Héluise Fauvel avant les autres, en Perche. Une fois Héluise saine et sauve, protégée de ses pires ennemis, Plisans était fermement décidé à lâcher les chiens de Guillaume de Nogaret contre la triste ordure d’Héritier. Le chevalier templier détestait les parasites sans foi ni loi.
    Plisans et ses frères avaient tué, pour la gloire de Dieu. Un Héritier de plus ou de moins, la belle affaire ? Le monde ne pourrait que s’en porter mieux.
    En vieillissant, le chevalier templier rejoignait parfois l’élitisme de son oncle, le seigneur abbé de Tiron, Constant de Vermalais. Parfois, seulement. Dieu, occupé par Son plan, auquel nul des imparfaits humains ne pouvait prétendre comprendre quoi que ce fût, avait placé Ses créatures chéries, Ses élus face à des simulacres, des bipèdes qui n’avaient d’homme que l’apparence. Dieu éprouvait Ses élus, cherchant à déterminer ceux qui lutteraient, perdraient la vie pour défendre Sa lumière.
    Héritier, à l’instar d’autres, était un simulacre. À ce titre, sa vie et sa mort ne revêtaient guère d’importance.
    1 - Danse médiévale pratiquée du X e à la fin du XIII e  siècle. On ignore ses figures, contrairement au « branle » qui lui fit suite.

LXXIV
    En direction de l’est, novembre 1306
    I ls marchaient depuis une bonne heure, s’étant contentés de quelques commentaires sur les signes avant-coureurs de l’hiver. Brise soufflait parfois de bien-être. L’air vif et la lente promenade revigoraient la belle jument de Perche qui aurait pu les porter sans faillir jusqu’à l’autre bout de la terre 1 .
    Druon repensa à ses adieux d’avec Louis d’Avre. Le devoir quitter l’avait peiné. Un homme d’honneur et de droiture, d’intelligence et de perspicacité. De bienveillance, aussi. S’y ajoutait sa ressemblance physique avec son père. Un homme dont on savait qu’il ne trahirait jamais. Lorsque le bailli, dans un moment d’émotion, l’avait étreint, il avait murmuré à son oreille :
    — Miresse, je vais vous regretter. Un aveu que j’ai fort peu fait dans ma vie. Si d’aventure… l’envie de revoir Nogent-le-Rotrou vous prenait, ne manquez pas de me venir visiter. J’en concevrai immense plaisir. Bonne route à tous deux. Dieu vous garde.
    Bouleversé, Druon avait retenu ses larmes, se contentant de hocher la tête en signe d’acquiescement.

    Comme s’il lisait ses pensées, Huguelin lança soudain d’une voix grave :
    — Ben… euh… Eh bien moi, je l’avais en grande estime, le seigneur bailli. Pourtant, ce sont gens qui inspirent méfiance et crainte.
    Druon sourit. Soudain, il se décida :
    — Te souviens-tu, jeune homme, que je t’avais promis la vérité, alors que nous jouissions de… l’hospitalité de la baronne d’Antigny ?
    — Hospitalité ? couina le garçonnet. Vous voulez dire que nous étions ses prisonniers ! (Sa curiosité le rattrapa.) Et, mon maître ?
    — Te souviens-tu que tu as juré sur Dieu, la Très Sainte Vierge, ton âme et ton honneur de ne jamais révéler mon véritable genre à quiconque ?
    — Oui-da. J’ai même ajouté que si je me parjurais, j’irais rôtir en enfer et que tous pisseraient sur ma tombe !
    — L’heure de t’éclairer est venue. Huguelin, sache que je pèse mes mots : pour notre sauvegarde à tous deux, ne répète jamais ce que tu vas entendre, à quiconque, pas même à un prêtre.

    Druon se perdit dans ses souvenirs, le regard fixé au loin. Il lui narra la douce et magnifique vie d’Héluise aux côtés de son incomparable père, Jehan Fauvel. L’Inquisition, le garde qu’elle… il avait soudoyé afin d’abréger les horribles souffrances du mire en son cul-de-basse-fosse. Puis, son travestissement en Druon, sa fuite. Sa certitude que l’évêque d’Alençon, Foulques de Sevrin, avait trahi son père,
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