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La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

Titel: La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
Autoren: JACQUES GERNET
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    Les invasions barbares excitèrent chez certains poètes le sentiment national. Aussi, les
poèmes d’inspiration patriotique sont-ils assez
fréquents dans la littérature chinoise des XII e et XIII e siècles.
     
    Inscrit sur le mur d’une auberge
de Hangzhou
     
    Vertes collines et pavillons se cachent les uns
derrière les autres.
    Quand donc cesseront ces chants et ces danses au
lac de l’Ouest ?
    Un vent tiède enveloppe les promeneurs, les enivre.
    C’est tout simple : ils prennent une capitale pour
l’autre 28 .
     
    (Lin Sheng, deuxième moitié du XII e siècle.)
     
    Regards sur la Chine occupée,
au bord du Yangzi
     
    Du haut de cette colline, je regarde couler le fleuve
immense.
    Devant la salle où je me tiens, quelle tristesse sur ce
paysage sans limite !
    Comme je souffre de ce qu’aucune montagne ne
vienne arrêter mon regard :
    Au sud de la Huai, à perte de vue, tout ce pays, c’est
la Chine 29 .
     
    (Dai Fugu, fin du XIII e siècle.)
     
    Visite au palais impérial de Hangzhou,
après la conquête mongole
     
    Partout des herbes folles. Où sont les gardes, les
portiers ?
    Des âmes rôdent, obscures, au milieu de ces tours,
de ces palais à l’abandon.
    Au grand pavillon vont et viennent les hirondelles,
    Et la voix des perroquets s’est tue dans les appartements
impériaux 30 .
     
    (Xie Ao, 1249-1295.)
     
    Contrairement à la poésie régulière, faite pour
la lecture et toujours écrite en langue savante,
les poèmes composés sur des airs musicaux font
largement appel à la langue parlée. Genre difficile, mais dont la vogue n’a cessé de s’affirmer
au cours de la dynastie des Song, les pièces
chantées ont une métrique irrégulière. Elles sont
généralement descriptives, lyriques, et s’inspirent parfois, comme celle que nous citons ici,
des mêmes conceptions que la peinture. Impressionnistes, elles cherchent à rendre l’atmosphère
particulière d’un instant précis, la fluidité du
temps et, par là, la mélancolie de l’existence. La
pièce suivante décrit un paysage après la pluie,
au soleil couchant. Le spectateur, comme celui
des peintures, se dédouble et vagabonde dans
l’immense nature :
     
    Dans l’air frais après la pluie,
    Je me tiens debout dans le pavillon près du fleuve.
    Au loin, brillent des nappes d’eau.
    Des montagnes, amoncelées, dressent dans le soir
leur masse bleutée.
    Mes pensées errent au loin : sur le pont étroit, le sentier couvert,
    Dans le village paisible de pêcheurs d’où s’élève sur
le tard une fumée solitaire.
    Au soleil couchant, je m’appuie à la balustrade
peinte en rouge vif,
    Sombre et rempli d’une foule de pensées.
    Je n’ai point bu et je suis ivre. Quelle tristesse sans fin !
    Les nuages du soir sont partis.
    Le vent d’automne est passé.
    Mon ami est à mille lieues.
    Et je suis resté là tout le jour en vain, figé, à scruter
l’horizon 31 .
     
    (Liu Yong, IX e siècle.)
     
    Entre la poésie et l’art pictural, la transition
est insensible. Le poème accompagne souvent
la peinture et lui sert d’illustration en traduisant
sur un autre registre ce qu’elle exprime. D’autre
part, l’écrivain est généralement habile à manier
le pinceau et sait donner à sa graphie une forme
esthétique où la fougue, la fantaisie, l’ordre,
l’équilibre sont sensibles pour le connaisseur. Il
possède déjà la sûreté de trait et la sensibilité
visuelle du peintre. Aussi l’histoire de la peinture en Chine ne peut-elle être radicalement
séparée de l’histoire des belles-lettres. Leurs
destins à l’époque des Song ne manquent
d’ailleurs pas d’analogie.
    L’industrie de la décoration, l’accroissement
très rapide du nombre des amateurs d’art et descollectionneurs, la formation d’une classe de
peintres et de calligraphes professionnels, l’apparition d’un commerce des objets d’art et des
antiquités, tant de nouveautés ne pouvaient pas
rester sans effets et ne pas modifier dans leurs
fondements mêmes les conceptions et la condition des arts en Chine à l’époque des Song. Si la
continuité paraît évidente depuis l’Antiquité
jusqu’aux Song et au-delà, soyons assurés que
l’évidence n’est que simple illusion. Non seulement l’analyse prouve que les techniques et les
genres se sont renouvelés à cette époque, mais
– et c’est là le plus important – la sensibilité et la
vision elle-même se sont entièrement transformées. On en
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