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La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

Titel: La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
Autoren: JACQUES GERNET
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jurerait même sans témoignage.
    Un rappel du passé est ici indispensable.
Selon une conception ancienne, mais qui ne
survit qu’à l’état de traces ou de souvenirs aux XII e et XIII e siècles, la peinture est un art quasi
magique qui exige l’évocation la plus sensible
du réel et doit donner l’apparence de la vie. Le
peintre est proche parent du sorcier : il sait
recréer les êtres et les choses en en formant une
image exacte et leur donner une existence autonome en leur insufflant la vie. Ses paysages
fournissent à ceux qui les contemplent l’occasion et les moyens de randonnées extatiques.
Le peintre s’efface en tant que créateur, et le
spectateur, dédoublé et rapetissé aux dimensions de l’immense nature qui est l’objet de sacontemplation, se trouve emporté et perdu dans
le paysage : il est là sur ce sentier de montagne
d’où il découvre une succession de pics et de
profondes vallées, séjours d’Immortels ; ou
encore sur ce pont, dans le vent et dans la neige ;
il entend, sur la rive voisine, le cri strident des
singes… Aussi, le paysage chinois n’est-il pas
vu par un observateur établi en un point fixe.
C’est un lieu de promenade aux points de vue
divers et changeants. Chaque paysage, que le
spectateur parcourt de haut en bas (ou, parfois,
sur les rouleaux de l’époque des Song, de droite
à gauche), comporte une pluralité de perspectives différentes. Création de mondes surnaturels, où tout est pur et saint, la peinture vise
en même temps à une représentation ordonnée
du monde : les montagnes y sont en position de
suzerain et de vassal, la terre et le ciel, l’ombre
et la lumière, le yin et le yang , principes femelle
et mâle, s’y opposent, y alternent et s’y complètent. L’objet d’art lui-même est une sorte de
talisman dont la possession est bénéfique.
    D’autre part, peinture et calligraphie (car la
calligraphie relève des mêmes techniques, et le
même pinceau sert pour écrire et pour peindre)
sont des ascèses religieuses, des jeux sanctifiants
qui procurent la longévité – de même d’ailleurs
que la pratique délicate et très difficile de la
cithare antique où les moindres détails du jeu
sont riches de significations symboliques 32 . Cesarts exigent une maîtrise absolue du geste et de
tout le corps, une identification parfaite de l’artiste à son objet (d’où, sous les Song encore, la
spécialisation des peintres : bambous, chevaux,
orchidées, etc.). Mais l’artiste inspiré et parfaitement maître de son art doit peindre dans une
sorte de transe et de délire prophétique auxquels
l’alcool, la danse, la musique peuvent servir de
stimulants. Ce sont là des conditions générales
de la création artistique en Chine et qui valent
aussi bien pour le poète que pour le peintre.
    Comme on le verra, cette alliance de l’inspiration et de la parfaite maîtrise technique se
retrouve chez les plus grands peintres de l’époque
des Song. Art total parce qu’il intéresse l’homme
tout entier, la peinture gardera dans une petite
élite d’artistes authentiques le souvenir lointain
de ses significations religieuses. Mais les réalités
de l’époque ne resteront pas sans effet sur cette
conception traditionnelle de la peinture.
    Parmi les influences que subirent les arts de
l’époque des Song, l’une des plus graves sans
doute fut celle de la peinture académique, telle
qu’elle était cultivée à Kaifeng. L’empereur
Huizong (1101-1126) avait fondé dans cette
capitale une académie officielle de peinture et
réuni la plus riche collection d’œuvres d’art de
toute la Chine. La plus grande partie de ces
collections put être transférée à l’Académie
impériale de Hangzhou, et le style en faveur àla cour de l’empereur Huizong continua à jouir
du même prestige dans la capitale de la Chine
du Sud aux XII e et XIII e siècles. Les genres favoris y sont les peintures réalistes et minutieuses
de fleurs, d’oiseaux, d’animaux domestiques et
sauvages.
    L’esprit nouveau qui règne dans le domaine
littéraire s’est fait également sentir dans les arts
picturaux et spécialement à l’Académie ; les
réalités les plus humbles et les plus banales sont
devenues des sujets de la peinture : herbes et
légumes, petits insectes communs tels que criquets ou sauterelles, scènes de la vie de tous les
jours (lettrés jouant au double-six, séances de
musique, scènes de la rue, enfants dans leurs
jeux, etc.),
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