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La Religion

La Religion

Titel: La Religion
Autoren: Collectif
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regardant le sol entre ses coudes, haletant comme un chien épuisé par ses chaleurs. Mattias l’écrasa du pied dans la boue et continua à plonger.
    La seconde créature grognait entre les jambes écartées de sa mère. Elle ne comprit pas que quelque chose allait de travers avant que Mattias ne lui arrache le chapeau du crâne et ne le saisisse par les cheveux pour le tirer en arrière. Mattias aperçut un étonnement d’injustice dans ses yeux, comme celui d’un enfant à qui l’on enlève un pot de confiture, puis il plongea la lame dans sa joue, la libéra et l’enfonça à nouveau, et un œil jaillit et se balança, retenu par son nerf. Travaillant avec son bras comme au rythme de la forge, Mattias creusa le visage presque enfantin de fentes sanglantes, éclaboussant son poing dans le masque hurlant, en frappant de la dague à travers dents, langue et os, et à travers les mains que l’homme agitait pour se protéger.
    Mattias s’arrêta et eut un haut-le-cœur car il avait oublié de respirer. Il regarda les trois autres démons qui le fixaient, bouche bée. Un cri sans mots s’échappa de sa gorge, car il était maintenant plus bestial qu’eux et il balança l’aveugle gémissant dans la boue. Les trois autres s’écartèrent du cheval mort et l’un d’eux reprit ses sens et décrocha un arc de derrière son dos. Il fouilla dans son carquois, mais fit tomber la flèche. Mattias se détourna et regarda sa mère, et cette vision effaça sa folie. Il s’agenouilla, prit sa main et pressa ses doigts usés par le travail sur sa joue. Ses doigts étaient encore tièdes de vie et l’espoir poignarda son cœur. Il se pencha plus près, mais les yeux d’un bleu sauvage étaient dénués de vie, le coup avait été fatal, et il s’étrangla dans la main qu’il serrait contre son visage. Le martèlement des sabots résonnait dans sa tête, mais il était au-delà de toutes choses de ce monde. Tout ce qu’il désirait de ce monde, c’était le toucher de la main de sa mère.
    Sa tête fut secouée par un craquement aussi fort que le tonnerre. La brute qui plaçait une flèche sur son arc s’écrasa au sol, le crâne fendu en deux, des morceaux de cerveau se répandant sur ses épaules dans sa chute. Les deux violeurs qui restaient tombèrent à genoux dans une nuée de fumée bleue et ils balbutièrent, affolés, tandis que leurs fronts s’enfonçaient dans la boue.
    Mattias se retourna et eut une vision comme il n’en avait jamais eue.
    Un homme, tel un dieu, chevauchait un étalon arabe gris, auquel les deux plumets accrochés devant ses naseaux donnaient l’aspect d’un fantôme de légende. Le cavalier était jeune, fier et sombre de peau, avec de hautes et fines pommettes et une barbe taillée en lame d’épée. Il portait un caftan écarlate tissé et brodé de jaune sable, des pantalons larges rouge vif sur des bottes jaunes, et son turban blanc de neige était orné d’un rayon de diamants qui étincelaient au moindre mouvement. À la ceinture, il portait un sabre courbe dont la garde et le pommeau étaient ornés de pierres précieuses. Dans sa main fumait un pistolet au long canon et à la crosse incrustée d’argent. Ses yeux bruns fixaient ceux de Mattias, et en eux résidait quelque chose qui ressemblait à de l’admiration, et quelque chose de plus – même si cela ne se pouvait pas – qui sembla à Mattias être de l’amour.
    Le regard brun ne le lâchait pas et Mattias ne cilla pas. Et à cet instant l’âme de l’homme et l’âme du garçon se rejoignirent et s’entrelacèrent, sans aucune raison explicable ni par l’un ni par l’autre, et avec une puissance qu’aucun n’osait questionner, car elle venait de Dieu.
    Plus tard, Mattias devait apprendre que ce guerrier était un capitaine des Sari Bayrak, les plus anciens et les plus valeureux gardes personnels du sultan, et que son nom était Abbas bin Murad. Pour l’instant c’était simplement un homme. Un homme dont le cœur ne renfermait aucune trace de malveillance.
    Derrière le capitaine chevauchaient deux autres cavaliers écarlates. Dans la rue au loin, des villageois combattaient des incendies et couraient en tous sens, paniqués, arrachant des meubles à leurs masures et emportant des enfants et des vieillards loin des flammes. Traversant ce tumulte tels des paladins au milieu de moutons, une douzaine d’autres cavaliers rouge-écarlate piquaient des lances et claquaient des
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