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La Religion

La Religion

Titel: La Religion
Autoren: Collectif
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Il était engoncé dans un fouillis de tissus et de chiffons, et portait un chapeau vert sale. Contre son flanc, il tenait une petite épée courbe, couverte de mélasse sombre et des cheveux de Britta. Quand le jeune homme cessa de regarder l’enfant assassinée, ses yeux apparurent aussi morts que des pierres. Son regard ne vagabonda pas plus longtemps sur Mattias que sur l’enclume et les outils. Il grogna une question dans une langue étrangère.
    Mattias était adossé à la chaleur de la forge et pourtant il se sentait glacé en dedans, et vide. Vide de souffle. Vide de volonté. Vide de tous les sentiments qu’il avait connus auparavant. Une partie de son esprit se demandait si c’était ainsi que la lame se sentait lors de la trempe. Et en ce cas, dans quelle trempe était-il ? Et il trouva refuge dans le feu, là où l’attendait déjà quelque chose qu’il connaissait. Il se retourna, regarda sa dague et vit ses tranchants luire de la couleur des cheveux de sa mère – un bronze sauvage qui rampait des biseaux jusqu’à la pointe bleu sombre. Il sentit la trempe finale échapper à son emprise et avec elle disparaître toute la magie qu’ils avaient tissée durant cette aube, et avec elle aussi la fierté de son père quand il verrait ce qu’ils avaient créé. Ces choses, il ne pouvait pas les laisser se produire. Il serra les pinces sur la garde, sortit la lame du feu et se retourna.
    Le meurtrier avait avancé vers lui, et son visage ne montrait aucune inquiétude jusqu’à ce qu’il aperçoive ce que tenait Mattias. Le sursaut de peur qui le traversa trahit sa jeunesse, mais ne lui accorda aucune pitié. Comme de par sa propre volonté, la dague s’avança brusquement, l’air chatoyant dans son sillage. Mattias fit le premier pas avec des pieds lourds comme du plomb, et le second comme propulsé par une rage qui étouffa sa gorge. Au troisième pas, une haine crue conduisit à la fois le garçon et la dague. Le jeune homme hurla dans sa langue étrangère et Mattias lui enfonça la dague dans l’abdomen. La chair grésilla autour de l’acier alors qu’il le poussait contre le mur, la puanteur de la laine et de la graisse brûlée emplit sa gorge, et les yeux pétrifiés du visage tordu s’exorbitèrent d’horreur. Le meurtrier cria, lâcha son épée pour saisir la dague à pleines mains et hurla. Il hurla encore quand la lame incandescente lui arracha les paumes jusqu’aux tendons. Mattias écrasa sa main gauche sur les lèvres ouvertes. Il poussa sur les pinces jusqu’à ce que leurs mâchoires rencontrent le ventre qui se soulevait et que la pointe de la dague crisse sur ce qui semblait être de l’os. Et alors il pria.
    « Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus et benedictus fructus ventris tui, Jesus. »
    L’œsophage pris de convulsions, le jeune homme vomit du sang entre les doigts de Mattias. Qui serra davantage. Du sang coulait des narines écarquillées, les mains sans peau serraient les pinces et le torse râblé se contractait en spasmes futiles. Dans les yeux protubérants, la lumière commença à s’éteindre, les spasmes décrurent et Mattias acheva sa prière.
    « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. »
    Mattias sentit quelque chose passer hors du corps, quelque chose qui s’évanouit d’une manière si furtive que cela lui gela la moelle des os. Le jeune homme s’affaissa, plus lourd que tout ce que Mattias avait jamais connu. Le visage serré dans sa main était aussi pâle que du mastic. Ses yeux à demi fermés étaient sans étincelle, ternes comme ceux d’une tête de cochon sur l’étal d’un boucher. C’était donc cela, la mort, et c’était donc cela, tuer.
    Mattias dit : « Amen. »
    Et il pensa : « La trempe. »
    Il dégagea la dague. La lame fumait jusqu’au bout de la poignée, noire comme le péché. Il laissa le corps se replier sur lui-même et ne le regarda plus. Entre les lointains aboiements de chiens, il entendait des cris étrangers gutturaux et des hurlements de terreur. Britta était allongée sur le seuil, immobile et ensanglantée. Quelque chose l’avait quittée aussi. Dans sa main, les pinces se mirent à trembler et ses genoux aussi. Ses entrailles se relâchaient et sa vision se troublait. Il se tourna vers la sécurité de ce qu’il connaissait. La forge, les outils, le feu. Il frotta la
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