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La Religion

La Religion

Titel: La Religion
Autoren: Collectif
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plongea dans un seau de terre humide. Des vapeurs jaillirent en spirales avec une odeur qui lui monta à la tête. Lors de cette première trempe, selon les dires de son grand-père, la lame exigeait, pour naître, le pouvoir des quatre éléments : la terre, le feu, l’eau et l’air. Une telle lame durerait. Il reconstruisit le lit de charbons, remit une couche de cendres dessus et ôta le couvercle de sa seconde trempe, un seau de pisse de cheval. Il l’avait récoltée la veille, du cheval le plus rapide du village.
    « Je peux regarder, Mattie ? »
    La voix de sa sœur le fit sursauter et l’agaça un instant. C’était son travail, sa place, la place d’un homme ; pas la place d’une petite fille de cinq ans. Mais Britta l’adorait. Ses yeux brillaient toujours quand elle le regardait. Elle était le bébé de la famille. La mort de deux frères plus jeunes avant même qu’ils ne puissent marcher restait présente à l’esprit de Mattias ; ou, plutôt que leur mort, le souvenir du chagrin de sa mère et de l’angoisse silencieuse de son père. Le temps qu’il se retourne, sa colère avait disparu et il sourit en voyant Britta sur le seuil, sa silhouette de poupée dans la première rumeur grise de l’aube. Elle portait une chemise de nuit et des sabots, et elle serrait ses mains sur ses bras rougis en frissonnant. S’avançant vers elle, Mattias ôta son manteau et lui en enveloppa les épaules. Il la souleva et l’assit sur les sacs de sel, près de la porte.
    « Tu peux regarder d’ici, tant que tu ne t’approches pas du feu. » Le marché n’était pas idéal, il le voyait bien, mais elle ne protesta pas. « Maman et Gerta dorment encore ? » demanda-t-il.
    Britta hocha la tête. « Oui. Mais les chiens du village aboient. J’avais peur. »
    Mattias tendit l’oreille. C’était vrai. D’en bas des collines montait un chœur de jappements et de grognements. Entièrement absorbé par le crépitement de la forge, il ne l’avait pas remarqué.
    « Ils doivent avoir trouvé un renard, dit-il.
    – Ou un loup. »
    Il sourit. « Les loups ne viennent plus par ici. »
    Il revint à sa lame et la trouva assez refroidie pour pouvoir la toucher. Il la nettoya d’un coup de chiffon et la reposa une fois de plus sur le feu. Il était tenté d’actionner les soufflets, car il adorait voir surgir la vie dans les charbons, mais si la couleur montait trop vite, le cœur de l’acier pourrait s’affaiblir, donc il se retint.
    « Pourquoi les loups ne viennent plus par ici ? »
    Mattias retourna la lame. « Parce qu’ils ont peur de nous.
    – Pourquoi les loups ont peur de nous ? »
    Les tranchants avaient pris le rouge fauve des daims en automne. Il saisit la lame avec les pinces, la retourna encore, et oui la couleur était uniforme, avec des magentas dans l’âme et le fil, et il en arrivait à la seconde trempe. Il sortit la dague de la forge et la plongea dans l’urine. Le sifflement fut explosif et il écarta son visage de la vapeur âcre, ammoniaquée. Il se mit immédiatement à dire un Ave. À mi-chemin, Britta se joignit à lui, en trébuchant sur le latin, et il continua sans l’attendre, mesurant la trempe au rythme de la prière, jusqu’à ce qu’il ait fini, puis il retira l’acier fumant de son brouet caustique, l’enterra dans la boîte à cendres et s’essuya le front.
    La seconde trempe était achevée, du moins l’espérait-il. La morsure acide de ce refroidissement à la pisse allait se communiquer au métal et conserver la finesse de son tranchant. Il espérait aussi que la rapidité du cheval allait accélérer l’achèvement de sa dague. Car pour la troisième trempe, la plus magique de toutes, il devait emporter la lame incandescente dans l’herbe grasse près du potager et la tremper dans la rosée fraîchement tombée. Aucune eau n’était aussi pure, car personne ne l’avait jamais vue tomber, même en restant éveillé toute la nuit, comme si elle venait tout droit du paradis. Certains croyaient que c’étaient les larmes que Dieu versait pour ses enfants pendant leur sommeil. Par un tel refroidissement, l’esprit de la montagne allait pénétrer le cœur de la dague et son dessein serait toujours juste. Il plaça une paire de pinces à tremper sur les charbons et pompa de l’air jusqu’à ce que les embouts renforcés virent à l’orange vif.
    « Mattie, pourquoi les loups ont peur de
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