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La Religion

La Religion

Titel: La Religion
Autoren: Collectif
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fouets sur les fantassins qu’ils châtiaient en les arrachant à leur pillage. Abbas glissa son pistolet dans un étui cousu à sa selle. Il regarda la femme étalée et violée, nue en travers du cheval. Il fixa à nouveau Mattias et il parla. Sa langue n’était pas la même que celle des démons et même si Mattias n’en comprenait pas les mots, il savait ce qu’il demandait.
    « C’est ta mère ? »
    Abbas voyait la dague dans sa main, et sa chemise collée à son corps par le sang répandu. Abbas fit la moue et secoua la tête. Il regarda au-delà de Mattias, et Mattias se retourna : le premier homme qu’il avait poignardé reposait, inerte. Le second rampait à moitié nu dans la gadoue, aveugle sans visage gémissant d’apitoiement sur lui-même à travers ses lèvres déchirées. Abbas fit un geste de la main. Un de ses lieutenants fit avancer sa monture, dégaina son sabre, et Mattias regarda avec émerveillement l’impeccable lame d’acier de Damas. Le lieutenant s’arrêta près du misérable qui geignait et se pencha. La lame gravée se leva, retomba presque sans un bruit et une tête roula dans le caniveau en une avalanche de sang.
    Abbas mena son cheval jusqu’à Mattias et tendit la main.
    Mattias abandonna sa mère, essuya la dague sur sa manche, puis il débarrassa le manche de ses chiffons et l’essuya également. Il prit la dague par la pointe et la tendit à Abbas. Il ne ressentait aucune peur. Au moment où Abbas toucha la dague ses sourcils se soulevèrent de surprise. Il posa le plat de la lame sur le dos de sa main et sa surprise se confirma. Mattias se rendit compte que l’acier était encore chaud. Abbas agita la dague.
    « Tu as fait ça ? »
    Une nouvelle fois Mattias comprit la question sans saisir les mots. Il acquiesça. Et une fois encore Abbas fit la moue. Il poussa son cheval vers la maison, se pencha et enfonça trois pouces de la lame dans une fente entre le chambranle et le mur. Il fit peser son poids sur la poignée et Mattias tressaillit alors que la lame se courbait, bien plus que jamais il n’aurait osé la plier, le manche presque aplati contre le mur, et la panique serra son estomac car l’acier allait se fendre – mais l’acier ne se fendit pas. Et quand Abbas la lâcha, la lame vibra en revenant au point de départ. Abbas reprit la dague, l’examina à nouveau et se pencha vers Mattias. Et tous deux savaient qu’il avait forgé une pièce d’une exceptionnelle beauté. Puis la dague disparut dans le dolama du capitaine et Mattias comprit qu’il ne la reverrait jamais.
    Abbas donna des ordres et Mattias observa le second lieutenant qui fit virer sa monture pour partir. Le premier, qui n’avait pas rengainé sa lame damasquinée, fit trotter son cheval jusqu’aux deux violeurs à genoux, eux dont l’appétit sexuel ne serait jamais assouvi. Ils bafouillèrent, supplièrent, se souillèrent, et il les força à courir en les ramenant vers la rue.
    Abbas se tourna pour attraper, derrière son troussequin, une couverture roulée, d’un blanc de lait. Il la lança à Mattias, qui l’attrapa. C’était de la laine tissée très finement, et Mattias n’avait jamais tenu une étoffe de si grande qualité. Elle était si douce au toucher de ses mains rugueuses qu’il eut peur de l’abîmer. Il jeta un regard vide à Abbas, sidéré par ce cadeau. Abbas fit un geste vers sa mère, écartelée et outragée au milieu de la pagaille.
    Mattias sentit sa gorge se serrer et des larmes piquer ses yeux, car le cadeau n’était pas une couverture, mais la dignité d’une femme, et cette gentillesse le transperça jusqu’au plus profond de lui-même. Mais un avertissement passa en un éclair sur le visage du capitaine, et Mattias le comprit d’instinct. Il ravala ses larmes, ne les laissa pas couler. Abbas le vit, et une fois encore son estime grandit, il hocha la tête. Mattias se tourna, déplia la couverture qui tomba comme une caresse sur le corps de sa mère. Des larmes lui revinrent quand elle disparut pour toujours sous le tissu immaculé et une fois encore il les étouffa. Elle était morte, et en même temps toujours en vie puisqu’elle emplissait son cœur d’un amour qui semblait s’envoler vers l’infini, et il se demanda si elle était déjà au paradis et si Dieu lui permettrait un jour de la revoir. Puis il entendit la voix d’Abbas et il se retourna. Abbas répéta sa phrase. Et même s’il ne
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