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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards
Autoren: Stephen Wright
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adversaires, qui s’étaient
rencontrés sur le champ de bataille, réunis par le hasard sur les planches
mêmes de son navire.
    « C’était toi, dans le maïs ? » demanda
Dobbins. Un petit bonhomme nerveux, qui avait un tic à la joue droite et pas de
sourcils.
    « On se serait cru en pleine moisson, oui. J’y serais
resté si je n’avais pas été aussi empoté. J’ai trébuché sur mon fusil juste au
moment où passait un de vos obus. Il a coupé la tête du type à côté de moi.
    — C’est ballot !
    — On aurait cru que vous sortiez tout droit de la
terre !
    — Notre colonel a piqué une crise. Il a arraché ses
galons, balancé son poing dans la figure du lieutenant Berry, il lui a volé son
cheval et il est parti au galop dans la fumée. Je me demande souvent ce qu’il
est advenu de ce fou.
    — Je suis désolé, pour ton bras. »
    Dobbins haussa les épaules. « Comme tu dis, j’aurais pu
y rester. Il y a une tripotée de braves gars qui sont encore là-bas. À croire
que tout le pays est devenu un cimetière.
    — Espérons au moins que le sol en sera sanctifié.
    — En tout cas, on a réveillé les serpents, pas
vrai ? Je croyais qu’on allait s’en tirer avec une médaille, mais vous,
les diables bleus, vous étiez toujours plus nombreux, encore et encore, comme
si c’était la nature tout entière qui nous harcelait. Vous êtes combien,
d’ailleurs ?
    — Chaque jour, ils en fabriquent en masse dans leurs
foutues usines », plaisanta le capitaine.
    Dobbins secoua sa tête aux cheveux ras sur un rythme
spasmodique, puis s’interrompit, l’air vague et distrait, comme s’il entendait
quelque chose s’agiter en dedans. « On s’est bien bagarrés, nom d’un
chien, mais je vais te dire, je suis drôlement content d’en être sorti. Cet
éléphant-là, je suis pas pressé de le revoir, oh non !
    — Moi non plus », confirma Liberty. Dans le
silence gêné qui suivit, il tendit spontanément le bras, et après une poignée
de main solennelle les deux vétérans s’étreignirent.
    « Je suis bien content de ne pas t’avoir tué à
Sharpsburg, dit Dobbins en lui tapotant affectueusement le dos.
    — Et vice versa.
    — Mes prières sont déjà tellement pleines que je ne
suis pas sûr d’avoir de la place pour un Yankee, même un gentil.
    — Tu ne dors pas beaucoup, hein ?
    — Au mieux, je ferme un œil.
    — Pareil pour moi.
    — Je me dis que quand le bon Dieu en aura marre de me
montrer ces images toutes les nuits, Il les rangera dans une boîte en fer qu’il
mettra dans un trou au fond d’un autre trou au plus profond de l’océan.
    — Le train a pris du retard, mais la paix arrive enfin,
dit Liberty. Pour nous tous.
    — Je me demande à quoi ça va ressembler.
    — Ce sera doux, je crois, très doux. M. Lincoln y
veillera.
    — Un sang-mêlé à cervelle d’oie, décréta M. Fripp
sitôt que Dobbins eut salué le capitaine et repris son poste. Allons, monsieur
Fish, vous ne pensez pas que la politique la plus sage pour résoudre cet
insupportable embarras, ce serait chasser de Washington ce vulgaire singe des
bois comme il est venu, à cheval sur un rail plein de merde ?
    — Gabriel ! s’écria M me  Fripp,
feignant l’indignation. Surveillez votre langage !
    — Nous avons peut-être perdu la guerre, ma douce fleur,
mais le droit de dire ce qu’on pense court toujours, à ma connaissance.
    — Pas si vous persistez à employer des gros mots.
    — J’emploierai les mots qui me plaisent pour exprimer
mon opinion, femme ! Merde alors !
    — Allons, allons, avertit le capitaine. Ne m’obligez
pas à intervenir. Vous savez que je suis très doué pour régler les disputes.
    — Capitaine Wallace ! protesta M. Fripp.
Voilà vingt-cinq ans que nous nous occupons très bien de nos affaires, mon
épouse et moi-même, et nous sommes parfaitement capables de nous en occuper
pendant encore un quart de siècle sans que vous y fourriez votre nez.
    — Dans ce cas, je vous prie d’accepter mes excuses. Je
ne voulais pas vous offenser. Mais je ne puis m’empêcher de remarquer que vous
vous hérissez aussi facilement qu’un chat sauvage dans une baignoire.
    — J’imagine donc, intervint M me  Fripp
d’un ton quelque peu acerbe, que vos yeux de fouine attentive ont également remarqué
l’état de mes nerfs, que l’on peut je crois décrire charitablement comme étant
“à vif”. Faut-il s’en étonner ? Les atroces
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