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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards
Autoren: Stephen Wright
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Liberty d’un ton
aussi sobre que possible, que maintenant vous êtes libre ?
    — C’est vous qui le dites », répondit Monday, le
visage toujours pressé contre la vitre ; avec Liberty, il faisait
exception à son vœu de silence.
    « Mais je ne me contente pas de proférer des paroles
vides ; j’essaie de vous informer, sans grand succès peut-être, d’une révolution
cataclysmique qui devrait métamorphoser votre existence à jamais et vous
restituer votre vie. »
    Après un silence conséquent, durant lequel il examina sous
tous les angles ce morceau qu’il lui fallait digérer, Monday se tourna d’un air
grave et dit : « J’entends parler de cette histoire de liberté depuis
que les lapins ont des oreilles, et j’ai une question pour vous, monsieur
Liberty : de quel genre de liberté il s’agit, au juste ?
    — Comment ça, de quel genre ?
    — Eh bien, la liberté de l’oiseau, ou la liberté de la
mule ?
    — Vous préférez laquelle ? »
    Alors, sur le visage de Monday, s’épanouit lentement le
premier vrai sourire qu’il s’autorisait depuis l’embarquement :
« Depuis que je suis haut comme trois pommes, j’ai toujours rêvé de
voler. »
     
    « Ça me rappelle Charleston », remarqua M me  Fripp,
absolument fascinée par l’horizon du sud qui se déployait et s’épaississait peu
à peu pour devenir la vision tant espérée de collines, de terre ferme et de
verdure luxuriante. Quoique suffisamment remise pour s’autoriser à prendre
l’air sur le pont, son état demeurait fragile, et un G. D. attentionné ne
s’éloignait pas d’elle, son fidèle seau à la main.
    « New Providence, annonça le capitaine Wallace en
balayant le paysage d’un geste possessif. Cela dit, vous l’avez peut-être
remarqué, madame Fripp, les choses vues de près ne correspondent pas toujours à
l’apparence qu’elles revêtent de loin. Et si un port reste un port partout dans
le monde, les Bahamas, madame, n’ont pas grand-chose à voir avec les Carolines.
Nassau est un port qui a, disons, une histoire haute en couleur, une tradition
permissive qui a traversé les siècles, quoique peut-être un peu moins libertine
qu’à la grande époque de Barbe-Noire et consorts ; mais chaque fois que
des marins croisent la route de grosses sommes en liquide, on peut s’attendre
que la débauche éclate au voisinage. Sans compter que les personnages qui
prospèrent aux marges du commerce maritime sont forcément d’une espèce joviale,
divertissante et bigarrée : arnaqueurs, sodomites, déserteurs, esclaves en
fuite, coupe-jarrets, tricheurs et illuminés. Des gens hospitaliers, tous
autant qu’ils sont. Évitez simplement de montrer votre bourse en public.
    — Oserons-nous seulement débarquer ? demanda
M. Fripp, chez qui le tableau que brossait le capitaine excitait déjà
certains fantasmes qu’il préférait refouler.
    — J’ai négligé de mentionner les courtisanes, ajouta
Wallace en évaluant froidement M me  Fripp de la tête aux pieds,
d’un œil expert. Des femmes coquines, aux grands yeux audacieux, aux doigts
fins et agiles. Une corne d’abondance pour toute dame qui a la malchance de se
retrouver impécunieuse.
    — Au nom de Satan et de ses légions hurlantes,
qu’insinuez-vous au juste, capitaine Wallace ? tonna M. Fripp en
fouillant fiévreusement ses poches, cherchant soit une arme, soit son
portefeuille.
    — Rengainez votre épée, monsieur Fripp. Je plaisantais,
voilà tout. C’était une boutade.
    — Qui est cet homme incroyable ? » demanda
Liberty, dont l’attention était happée par les acrobaties d’un matelot
escaladant les haubans avec une agilité et une grâce étonnantes pour quelqu’un
dont le bras gauche se terminait au coude en un moignon flétri.
    « Un vrai singe, n’est-ce pas ? répondit Wallace.
C’est le frère d’une dame que je connais à Savannah. » Son sourcil se
haussa d’un cran. « Il a perdu son aile à Antietam, ou dans quelque autre
bataille horrible. Il ne supportait pas de traîner chez lui comme une houe
rouillée alors que la grande flambée continuait autour de lui. Alors, par bonté
pour Fanny, je l’ai pris à mon bord. Et je m’en suis bien trouvé, comme vous
pouvez le voir.
    — Il faut que je lui parle. »
    Le marin converti, un certain Zachariah Dobbins, fut
aussitôt convoqué et présenté à Liberty par le capitaine rayonnant, qui
visiblement se délectait de voir deux anciens
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