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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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: la haine du
Juif, du Tzigane, de l'infirme et du christianisme. L'holocauste,
comme je l'ai montré dans mon livre, ne tient qu'à lui
; avec des complicités certes, en jouant habilement de la
terreur contre les lâchetés, il l'impose à
l'Allemagne, cette immonde « solution finale ».
Il lui fait un cadavre dans le dos.
    Ironie
glaçante de l'histoire : il faut que l'opinion mondiale soit
bouleversée par la découverte des charniers
après-guerre pour qu'un Etat d'Israël, demandé
depuis si longtemps, voie enfin le jour. Sans Hitler, pas d'Israël.
Il fut le catalyseur du sionisme. L'ironie me glace le dos...
    Cependant,
je ne peux m'empêcher de penser que, sans Hitler et l'émotion
provoquée par l'horreur, on n'aurait pas construit Israël
en Palestine avec tant de hâte, et parfois tant d'irrespect
pour les populations en place...
    L'émotion...
Emotion qui donne de la force aux idées. Emotion qui crée
de la violence. Emotion qui nous met toujours du côté
des victimes mais qui, par cela même, crée de nouvelles
victimes.
    Si
l'émotion permet d'accéder parfois à des pensées
nouvelles, l'émotion n'est pas juste. Se méfier de
l'émotion en politique...

    Dans
ce vingtième siècle sans Hitler, l'Amérique
serait sans doute restée en Amérique. Lointaine,
provinciale, cocasse, folklorique, elle nous serait sympathique comme
un cousin un peu rustique. Elle ne serait pas devenue la sauveuse du
monde occidental, ni son gendarme. Elle n'aurait pas récupéré
tous les cerveaux européens fuyant la barbarie nazie, son
nombre de prix Nobel demeurant très bas. Pour piquer mon
lecteur, j'avance même que la science et la technologie de
pointe auraient sans nul doute été européennes
et que — pourquoi pas ? — ce serait un astronaute
allemand qui aurait, le premier, marché sur la Lune...

    Avion
qui vole vers le Canada. J'ai fini mon livre au milieu de
l'Atlantique, les yeux embués de larmes.

    Bruno
M. aime le livre. Je ne saurai me passer de son accord. Pierre S.
l'aime aussi. Ouf.
    Moi,
je n'en pense rien ; je ne le relis que pour le corriger.

    Bruno
M. et Pierre S., les deux êtres les plus dépourvus de
préjugés que je connaisse, les plus libres et les plus
singuliers dans leurs opinions, loin de tout prêt-à-penser,
ne représentent qu'eux-mêmes ! Leur avis peut-il me
suffire ?
    Il
me faudrait des amis plus cons, plus banals, ordinaires...

    Dispute
grave avec Nathalie B. et Serge S. : les pages en main, ils ne
comprennent toujours pas ce que j'ai fait.
    Ils
refusent d'admettre qu'Hitler aurait pu être différent
de ce qu'il fut ; chacun me sort une thèse déterministe.
Pour Nathalie B., Hitler est génétiquement programmé
pour être ce qu'il est (c'est du Zola !). Pour Serge B., Hitler
est conditionné par son enfance à être ce qu'il
est (c'est de la psychanalyse américaine !). Quel fatras ! Du
plâtre pour la pensée ! Je commence par répondre,
point par point, philosophiquement, à leurs arguments. Je leur
démontre qu'ils sont contradictoires dans leurs discours
puisque, dans le même temps, ils croient et ne croient pas à
la liberté.
    Une
fois que je les ai mis devant leurs inconséquences, ils se
dégagent et touchent et reviennent à leur premier
argument : on ne doit pas chercher à comprendre Hitler.
     Vous
avez raison, conclus-je. Si vous voulez que ça recommence, ne
cherchez surtout pas à comprendre.
    Ils
m'exaspèrent. Je les exaspère aussi. Notre amitié
souffre de ce livre.
    La
littérature n'est pas une fin en soi.
    Un
livre doit provoquer la discussion sinon il est inutile.

    Diderot,
tu me justifierais, toi, n'est-ce pas ?

    Nathalie
B. et Serge S. ne supportent pas de trouver, par moments, Hitler
humain...
    Réduire
Hitler à sa scélératesse, c'est réduire
un homme à l'une de ses dimensions. C'est lui faire le procès
qu'il fit lui-même aux Juifs.

    Noircir
l'autre pour se blanchir : la pensée même d'Hitler. Et
la pensée des gens qui parlent d'Hitler.

    Blanchir
l'humanité en en excluant Hitler. Comme si l'inhumanité
n'était pas spécifiquement humaine.

    Albin
Michel publie mon roman avec enthousiasme. Seul le titre que je
propose semble diviser : Adolf
H.
    Gênant
de se voir discuter le titre sous lequel on a écrit un livre.
    Je
dois en chercher d’autres.
    Je
pense à La
Part de l’autre .

    La
réflexion d’un des lecteurs d’Albin Michel orient
ma décision. Il se demande, avec justesse, si ce n’est
pas un arbitraire total qui
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