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La parfaite Lumiere

La parfaite Lumiere

Titel: La parfaite Lumiere
Autoren: Eiji Yoshikawa
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jambes, réduisit ses un mètre quatre-vingts à un mètre vingt
tout au plus.
    « Ya-a-ah ! »
L’épée de Ganryū déchira l’espace au-dessus de lui. Le coup manqua son
but, mais l’extrémité de la « Perche à sécher » trancha le serre-tête
de Musashi, qui vola dans les airs.
    Ganryū prit à tort le
serre-tête pour la tête même de son adversaire, et un sourire fugitif erra sur
son visage. L’instant d’après, son crâne éclatait comme un caillou sous le coup
du sabre de Musashi.
    Tandis que Ganryū gisait à
l’endroit où le sable rencontrait l’herbe, son visage ne trahissait aucune
conscience de la défaite. Le sang avait beau lui jaillir de la bouche, ses
lèvres formaient un sourire de triomphe.
    — Oh ! non !
    — Ganryū !
    Iwama Kakubei s’oublia au point de
se lever d’un bond, et avec lui toute son escorte ; le choc les faisait
grimacer. Alors, ils virent Nagaoka Sado et Iori, assis calmes et maîtres
d’eux-mêmes sur leurs bancs. Honteux, ils parvinrent à s’abstenir de courir.
Ils tentèrent de retrouver une certaine dignité, mais il leur fut impossible de
cacher leur chagrin, leur désillusion. Certains avaient du mal à avaler leur
salive ; ils se refusaient à croire ce qu’ils venaient de voir, et
demeuraient hébétés.
    En un instant, l’île fut aussi
calme et silencieuse qu’elle l’avait jamais été. Seuls, le froissement des pins
et le balancement des herbes se moquaient de la fragilité et de l’impermanence
humaines.
    Musashi regardait un petit nuage
au ciel. Cependant, son âme revenait à son corps, et il lui devenait possible
de faire la distinction entre le nuage et lui-même, entre son corps et
l’univers.
    Sasaki Kojirō Ganryū ne
revint pas au monde des vivants. Couché face contre terre, il tenait encore son
épée. Sa ténacité était encore visible. Sur son visage, il n’y avait aucune
trace d’angoisse. Rien que la satisfaction de s’être bien battu, pas l’ombre
d’un regret.
    La vue de son propre serre-tête
gisant par terre donna des frissons dans le dos à Musashi. Jamais de sa vie,
songeait-il, il ne rencontrerait pareil adversaire. Une vague d’admiration et
de respect le parcourut. Il était reconnaissant à Kojirō de ce que cet
homme lui avait apporté. En force, en volonté de se battre, il dépassait
Musashi ; voilà pourquoi ce dernier avait pu se dépasser lui-même.
    Qu’est-ce qui lui avait permis de
vaincre Kojirō ? L’adresse ? Le secours des dieux ? Tout en
sachant que ce n’était ni l’un ni l’autre, Musashi ne put jamais exprimer de
raison avec des mots. A coup sûr, il s’agissait de quelque chose de plus important
que la force ou la providence divine.
    Kojirō avait placé sa
confiance dans le sabre de la force et de l’adresse. Musashi, dans le sabre de
l’esprit. C’était la seule différence entre eux.
    En silence, Musashi parcourut les
dix pas qui le séparaient de Kojirō, et s’agenouilla à côté de lui. Il
approcha sa main gauche des narines de Kojirō, et constata qu’une trace de
souffle subsistait. « Avec un traitement approprié, il s’en remettra
peut-être », se dit Musashi. Il voulait le croire ; il voulait croire
que cet adversaire, le plus vaillant de tous, serait épargné.
    Mais le combat était fini. Il
était temps de partir.
    — Adieu, dit-il à
Kojirō, puis aux officiels, sur leurs bancs.
    S’étant prosterné, il courut au
récif et sauta dans le bateau. Sur son épée de bois, il n’y avait pas une
goutte de sang.
    La minuscule embarcation s’éloigna
du rivage. Qui peut dire où elle alla ? Aucun document ne rapporte si les
partisans de Ganryū, à Hikojima, tentèrent de le venger.
    Jusqu’à leur dernier souffle, les
gens ne renoncent ni à leurs amours, ni à leurs haines. Des vagues de sentiment
vont et viennent à mesure que le temps passe. Durant toute la vie de Musashi,
il y eut ceux qui lui en voulurent de sa victoire, et critiquèrent sa conduite
en cette occasion. S’il était parti précipitamment, disait-on, c’est qu’il
craignait les représailles. Il était troublé. Il négligea même d’administrer le
coup de grâce.
    Le monde est toujours plein du
bruit des vagues.
    Les petits poissons, qui s’abandonnent
aux vagues, dansent, chantent et jouent, mais qui connaît le cœur de la mer,
cent pieds plus bas ? Qui connaît ses profondeurs ?
     
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