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La parfaite Lumiere

La parfaite Lumiere

Titel: La parfaite Lumiere
Autoren: Eiji Yoshikawa
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près à
mi-pente, hommes et cheval tombaient de fatigue. A leurs pieds, des nuages
moutonnaient. Une faible lueur teintait le ciel à l’orient. Otsū avait
chevauché toute la nuit sans prononcer un mot ; mais quand elle vit les
rayons du soleil, elle dit doucement :
    — Matahachi, je t’en prie,
laisse aller cet homme. Rends-lui son cheval. Je promets de ne pas m’enfuir.
    Matahachi hésitait, mais elle renouvela
sa prière une troisième et une quatrième fois ; il céda. Tandis que le
fermier s’éloignait, Matahachi dit à Otsū :
    — Maintenant, viens avec moi
sans te plaindre, et n’essaie pas de t’enfuir.
    Elle posa la main sur son bras
blessé, se mordit la lèvre et dit :
    — Je ne m’enfuirai pas. Tu ne
crois tout de même pas que je veuille montrer à quiconque la marque sur moi de
tes crochets venimeux ?
     
     
     
Une mise en garde maternelle
     
    — Mère, dit Gonnosuke, tu vas
trop loin. Tu ne vois donc pas que je suis bouleversé, moi aussi ?
    Il balbutiait en pleurant.
    — Chut ! Tu vas le
réveiller.
    La voix de sa mère était douce,
mais sévère. On aurait dit qu’elle grondait un enfant de trois ans.
    — ... Si tu es si malheureux,
la seule chose à faire est de te ressaisir et de suivre la Voie de tout ton
cœur. Pleurer ne t’avancera à rien. Du reste, c’est inconvenant. Essuie-toi la
figure.
    — D’abord, promets de me
pardonner mon honteux combat d’hier.
    — Mon Dieu, je n’ai pu
m’empêcher de te gronder mais je suppose après tout que c’est une question
d’adresse. On dit que plus un homme reste sans affronter un défi, plus il
s’affaiblit. Il n’est que naturel que tu aies été vaincu.
    — Entendre ça de ta bouche le
rend d’autant plus pénible. Malgré tous tes encouragements, j’ai été vaincu. Je
vois bien, maintenant, que je n’ai ni le talent ni l’esprit qu’il faut pour
être un véritable guerrier. Je vais devoir renoncer aux arts martiaux, et me
contenter d’être fermier. Je peux faire plus pour toi avec ma houe qu’avec mon
bâton.
    Musashi était déjà réveillé. Il se
redressa, stupéfait que le jeune homme et sa mère eussent pris tellement au
sérieux l’échauffourée. Lui-même l’avait déjà chassée de son esprit comme une
erreur de sa part aussi bien que de celle de Gonnosuke. « Quel sens de
l’honneur ! » murmura-t-il en se glissant dans la pièce voisine. Il
la traversa et colla son œil à la fente, entre les panneaux du shoji.
    Faiblement éclairée par le soleil
levant, la mère de Gonnosuke était assise dos à l’autel bouddhiste. Gonnosuke
se tenait agenouillé devant elle avec humilité, les yeux baissés, la face
ruisselante de larmes. Saisissant le dos de son col, elle lui demanda sur un
ton véhément :
    — Qu’est-ce que tu dis ?
Qu’est-ce que c’est que cette histoire, de rester fermier toute ta vie ?
    Elle l’attira plus près jusqu’à ce
que sa tête reposât sur ses genoux, et reprit avec indignation :
    — ... Une seule chose m’a
maintenue en vie, toutes ces années : l’espérance de pouvoir faire de toi
un samouraï, et de restaurer le renom de notre famille. C’est pourquoi je t’ai
fait lire tous ces livres, et apprendre les arts martiaux. Et c’est pourquoi je
suis parvenue à vivre de si peu, toutes ces années. Et maintenant...
maintenant, tu dis que tu vas tout envoyer promener !
    Elle se mit à pleurer, elle aussi.
    — ... Puisque tu l’as laissé
l’emporter sur toi, il faut songer à te venger. Il est encore ici. Quand il se
réveillera, provoque-le à un nouveau combat. C’est le seul moyen de regagner ta
confiance en toi.
    Gonnosuke, levant la tête, dit
avec tristesse :
    — Si je pouvais faire ça,
mère, je n’éprouverais pas ce que j’éprouve en ce moment.
    — Qu’est-ce qui te
prend ? Tu ne te conduis pas comme d’habitude. Où donc est ton
courage ?
    — La nuit dernière, quand je
suis allé avec lui à l’étang, j’ai guetté une occasion de l’attaquer, mais je
n’ai pu m’y décider. Je me disais sans arrêt qu’il n’était qu’un rōnin
obscur. Pourtant, quand je l’examinais avec attention, mon bras refusait de bouger.
    — C’est parce que tu penses
comme un lâche.
    — Et alors ?
Ecoute : je sais que le sang d’un samouraï de Kiso coule dans mes veines.
Je n’ai pas oublié comment j’ai prié durant vingt et un jours devant le dieu
d’Ontake.
    — N’as-tu pas juré devant le
dieu
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