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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres
Autoren: Mireille Calmel
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va-t-elle ? s’inquiéta aussitôt Junior.
    — Bien. Elle récupérera d’ici deux ou trois jours. La fièvre est tombée.
    — Cet élixir tient du miracle ! s’exclama Vanderluck qui, le voyant sortir de la cabine, s’était aussitôt précipité pour prendre des nouvelles.
    — Sa force de vie aussi, Hans.
    — Edonie est à son chevet ?
    — Elle ne la quitte pas, assura Baletti. Sans elle, je ne sais pas comment nous l’aurions sauvée. Tu as eu une riche idée, Junior. Une de plus.
    — Je voudrais qu’il en soit de même pour Ann, s’assombrit celui-ci. La souffrance que notre mascarade lui a imposée me torture.
    — Nous n’avions pas le choix.
    — Je le sais. J’espère seulement que nous avons eu raison de l’abandonner à Emma.
    Baletti soupira. Cette angoisse les tenait tous, mais ils n’avaient pas eu d’alternative.
    Sitôt après le procès, Junior avait demandé son pardon au roi et obtenu une lettre de marque. Ainsi protégé, le Bay Daniel avait rallié la Tortue. Baletti savait qu’aucun homme ne serait admis à la prison auprès des deux femmes. Junior avait donc suggéré d’envoyer Edonie. Outre ses pouvoirs vaudous, dont elle usait avec sagesse, et qui pourraient leur être utiles, elle aimait infiniment Mary Read.
    Edonie s’était fait remarquer, et très vite craindre, des gardiens en révélant ses pouvoirs. Pour mieux convaincre l’un d’eux, elle avait déclenché un épisode de fièvre chez son fils unique, sachant que Baletti pourrait la guérir aisément avec ses potions.
    C’était tout à fait par hasard, en revenant vers le port, que Baletti avait croisé Emma qui descendait de son canot. Certain qu’elle ne pourrait le reconnaître, il l’avait suivie jusqu’au palais du gouverneur, puis à la prison.
    Edonie avait repris son rôle, glané auprès des gardiens des informations sur la rencontre des deux femmes contre une bourse rebondie.
    Sur le Bay Daniel, Mary, endormie profondément par de la liqueur de pavot, luttait contre les fièvres. Convaincus qu’Ann ne regagnerait pas la Caroline-du-Sud sans Petit Jack, ils avaient finalement résolu de laisser Emma la délivrer. Persuadée de la mort de Mary, celle-ci ne se méfierait pas.
    Mary fut avertie de leurs intentions le lendemain, après avoir serré Junior dans ses bras. Elle s’accorda à leur opinion. Emma tenait bien trop à Ann pour lui faire le moindre mal. Cette fois, elle ne leur échapperait pas.
     
    *
     
    Ann aborda sur l’île des Pins et devança Emma, courant presque pour gagner sa cabane, et y trouver son fils.
    Emma marchait, légère et souriante, derrière elle, heureuse de la voir si heureuse, de la découvrir soudain si proche d’elle. Elle l’avait tant espéré.
    Durant la traversée, Ann avait manifesté l’envie de ce trésor pour se distraire de sa peine. Emma lui avait montré le crâne de cristal, et lui avait fait le récit de sa capture par Jean Fleury. Emma sentait bien qu’Ann cherchait à penser à autre chose. Même si elle prétendait avoir fait son deuil de Mary Read. Pour l’avoir vécu deux fois, Emma savait qu’on s’en remettait difficilement. Quoi qu’il en soit, elle serait là, à ses côtés, pour l’y aider. Si elle ne pouvait jouir d’Ann à cause de son mensonge, elle pourrait au moins se rassasier de sa présence. Emma se sentait légère. Si bien qu’elle parvint sur le seuil de la cabane de Rackham en chantonnant.
    Elle trouva Ann blême, au milieu de la grande pièce, face à un grand gaillard roux qui tenait Petit Jack dans ses bras. Elle demeura frappée par ses traits. Elle n’eut pas besoin de chercher longtemps dans sa mémoire pour le reconnaître. Elle chancela.
    — Je te connais. Tu ne peux pas… Non, tu ne peux pas… commença-t-elle tandis que la porte se refermait derrière elle.
    — Être Niklaus Olgersen ? rugit une voix.
    Emma s’étrangla en voyant Mary sortir d’une pièce. Ann se mit à trembler. Son regard allait de Junior à Mary, de Mary à Junior. Elle se reprit vite pourtant et recula vers Emma, un sursaut de colère au cœur.
    — Ainsi donc, il a fallu que tu me trompes jusqu’au bout, n’est-ce pas ? grinça-t-elle.
    À cet instant, les canons grondèrent et Ann ricana. Leur navire était attaqué, sans doute par les hommes de Mary.
    — Si c’est ce trésor que tu es venue prendre, il est à toi. La vie de mon fils ne vaut pas ce prix-là pour moi.
    Emma voulut sortir de la cabane,
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