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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres
Autoren: Mireille Calmel
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l’œil noyé de larmes. Mais Ann ne s’y précipita pas, suspicieuse.
    — Expliquez-moi.
    — Ce pendentif que tu portes est une des clés menant à un trésor. Mary Read le convoitait. Tu étais toute petite.
    Ton père et moi avions décidé d’aller le chercher au-delà des mers, lorsqu’elle nous surprit avec ses mercenaires. Ton père fut tué. Je n’ai obtenu la vie sauve que contre ce médaillon. Elle ignorait alors qu’il fallait plusieurs clés pour en révéler la cachette. J’ai quitté l’Europe en même temps que les Cormac, et t’ai placée en sécurité chez eux tandis que je tentais de me venger d’elle. A mon retour, bredouille, je n’ai pas eu le cœur de te reprendre, d’autant que tu avais été tant marquée que tu ne me reconnaissais pas. Je te demande pardon, Ann. Tu comptes tant pour moi, gémit-elle dans un sanglot. Tu ne peux imaginer ma souffrance, toutes ces années, et plus encore ces derniers mois. J’ai retourné les Caraïbes pour te chercher.
    Ann était ébranlée. Mary Read était une meurtrière, elle le savait déjà, mais elle ne pouvait accepter l’idée que lui imposait Emma.
    « J’ai tant à me faire pardonner ! » lui avait pourtant avoué Mary. Elle s’en glaça. Emma se précipita pour la serrer dans ses bras.
    — C’est un trésor fabuleux, chérie, lui susurra-t-elle. Mary Read était prête à tout pour le posséder. Et plus encore que je n’imaginais, puisqu’elle a fini par te retrouver pour avoir de nouveau une emprise sur moi.
    Dans la mémoire d’Ann, des images se mirent à tourbillonner. Les lèvres d’Emma sur sa joue, sa douceur dans ses cheveux, son intérêt pour ses devoirs, son attention constante, ses querelles avec les Cormac à propos de leur éducation trop rigide. Elle ne s’en était jamais vraiment étonnée. D’autres images lui vinrent. De Mary sur le navire, si proche et si énigmatique à la fois, distillant ses questions pour approcher ses souvenirs, de sa gêne parfois. De cet aveu qu’elle avait tenté pour la tromper, de ce médaillon, enfin, qu’elle lui avait attaché au cou, sans doute pour la forcer à l’entendre. Elle l’aurait repris, certainement, si on n’avait pas arraisonné le navire. Une vague de tristesse la submergea. Mary Read l’avait trompée, trahie, de la façon la plus sordide qui soit.
    Elle comprenait tout soudain – la salamandre sur le cercueil, ce lien avec son enfance qu’elle avait voulu lui laisser. Pour se racheter peut-être, tant elles avaient été proches dans l’ardeur du combat. Parce qu’elle s’était prise à l’aimer. Oui, certainement. Ann ne pouvait concevoir le contraire.
    Vaincue par l’évidence, elle referma ses bras sur Emma.
    — Mère, murmura-t-elle en pleurant tout bas, affaiblie et vulnérable.
    — C’est fini, Ann, ma toute petite Ann, chuchota Emma. Je vais te sortir de là.
    Lorsque Emma la quitta, à regret, le cœur d’Ann se serra.
    Mais cette nuit-là, alors que, vaincue par la tension et la fatigue, elle s’effondrait enfin, c’est au visage de Mary Read penché au-dessus du sien qu’elle rêva.
    Le lendemain, elle mettait au monde une petite fille qu’elle prénomma Maria.
     
    *
     
    Mary s’éveilla avec la sensation de venir au monde. En cherchant un air qu’elle ne trouvait pas. Elle hoqueta, aspira, toussa, cracha avant de hurler de cette douleur dans la poitrine qui la poignardait. Puis la lumière revint, intense, tout aussi insupportable. Et le visage de Baletti fut là, penché au-dessus d’elle, serein. Un instant, elle se crut à Venise au sortir de sa maladie, mais les cicatrices lui firent comprendre son erreur. Elle se souvint d’un bloc. Rackham, la potence, l’enfant. Tout. Elle avait été morte. Ou quelque chose comme cela.
    — Tout va bien, amour, murmura-t-il en pressant sa carotide pour mesurer les pulsations de son cœur.
    Peu à peu, elles se régularisaient.
    — Tout va bien, répéta-t-il.
    — Où suisse ?
    — Sur le Bay Daniel. En route pour l’île des Pins.
    — Ann, gémit Mary.
    — Elle nous y rejoindra, affirma Baletti. Ne t’inquiète de rien. Dors.
    Elle se berça de sa sérénité et ferma les yeux pour se laisser engloutir de nouveau dans une nuit sans rêves. « Naître. Renaître était plus épuisant qu’une journée de combats », pensa-t-elle.
    Baletti referma la porte de la cabine derrière lui et rejoignit Junior et James qui discutaient à la barre.
    — Comment
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