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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres
Autoren: Mireille Calmel
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qui la faisait danser sur le pont de La Revanche en riant. L’abordage. Le regard de Mary dans le sien. Le bruit du pistolet qui crevait le silence. Le trou béant qu’il laissait au milieu du front de ses victimes. Un géant attaché à un mât. Un mât qui ne ressemblait pas à celui d’un navire. Des cris qui ne ressemblaient pas à ceux des pirates. Une toute petite voix. Celle d’une enfant qui hurlait.
    Elle relâcha d’un coup sa pression et se mit à tousser tandis que, surgie du néant, cette petite voix implorait, désespérée : « Papa ! »
    Elle se redressa, le regard perdu, et enserra le pendentif d’émeraude qu’elle portait. Une salamandre. Une salamandre d’or l’encerclait. Une salamandre sur le cercueil de Mary. Qu’avait-elle voulu lui dire qu’elle n’avait eu le temps ou le courage d’oser ?
    L’odeur de la poudre et du sang. Elle eut l’impression de la sentir de nouveau. Ce cauchemar prenait une réalité, pour la première fois des images l’avaient balayé. Elle renifla pour tenter de retrouver cette odeur. Encore. Pour se souvenir. Se souvenir de la petite fille qu’elle avait été, de cet homme ligoté qu’elle avait vu tuer, et de ce bijou qu’elle avait serré dans ses petites mains. Qui avait-elle appelé papa ? Qui avait-elle supplié ? Lui ou celui qui avait tiré ? Elle fouilla sa mémoire sans y trouver le visage de William Cormac. Et si Mary Read avait dit vrai, si William Cormac n’était pas son père ? Il fallait donc qu’elle ait su la vérité. Comment ? Pourquoi ?
    « Je suis ta mère ! » lui avait-elle jeté pour repousser son étreinte.
    Ann étouffa un sanglot. Non, ce ne pouvait être. Et cependant, tout en elle le criait désespérément. Vaincue par son désespoir, elle hurla. Longtemps. De ce doute qu’elle ne vérifierait jamais.
     
    *
     
    — C’est par là, prêtresse, chuchota le fossoyeur en guidant Mamisa entre les monticules de terre battue surmontés d’une croix de bois.
    Le cimetière de Sainte-Catherine était désert et la nuit calme. A cette heure tardive, seuls les chiens errants furetaient du côté des morts.
    Edonie se pencha au-dessus de la tombe de Mary.
    — Creuse, ordonna-t-elle.
    Le fossoyeur essuya de son front la sueur qui y perlait, jetant un coup d’œil furtif alentour. La perspective des fantômes qu’il pourrait déranger, froisser par sa profanation l’inquiétait bien davantage que d’être surpris par le pasteur. Il obéit pourtant et s’activa à grandes pelletées, défaisant l’ouvrage qu’il avait fait quelques heures auparavant. Lorsque le couvercle fut dégagé, Edonie pencha sa lanterne au-dessus du trou et lui tendit un long morceau de fer.
    — Sers-t’ en de levier.
    L’homme se mit à trembler, mais obtempéra sans discuter. Il n’avait placé que trois pointes, pour donner le change et que le couvercle ne glisse pas une fois descendu. Pour les autres, il avait fait semblant, gardant les clous dans sa main, frappant le bois seul de son marteau. Personne n’y avait prêté garde.
    Le fossoyeur souleva le couvercle et le fit pivoter à la verticale.
    — Sors-la, à présent.
    Il se pencha au-dessus du corps, s’étonna de sa souplesse et le porta vers la prêtresse agenouillée au bord du trou. Elle posa Mary Read sur le côté.
    — Referme tout.
    L’homme s’exécuta tandis qu’Edonie marmonnait une prière pour l’enfant qui y demeurait.
    Lorsqu’elle quitta le cimetière, quelques minutes plus tard, Mary dans ses bras comme un pantin désarticulé, la terre avait de nouveau recouvert le cercueil et le fossoyeur filé.
    Une voiture attendait Edonie sur le bas-côté. La rue était déserte. Des bras d’hommes s’emparèrent de Mary Read et Edonie grimpa sur le marchepied pour prendre place à leurs côtés.
    La voiture s’ébranla et sortit de la ville en direction du nord.
    Voyant que la gamelle de terre cuite était pleine encore du brouet de la veille, le gardien dédaigna d’y verser le souper d’Ann Bonny. Si elle voulait se laisser crever, ce n’était pas son affaire ! Il s’éloigna comme d’ordinaire. Sans un mot. S’il n’avait eu autant la crainte de la mulâtresse et de ses pouvoirs magiques, il y a longtemps qu’il aurait forcé la catin, malgré son gros ventre. Elle n’était plus bien dangereuse, depuis qu’elle passait son temps à pleurer. Elle n’était plus guère affriolante, à dire vrai.
    Ann ne releva pas seulement la
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