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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix
Autoren: Gilbert Prouteau
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général Dumonceau, j’y étais, pourquoi n’êtes-vous pas venu   ? Toute l’armée vous attendait.
    La phrase atteint Grouchy en plein cœur. Il poursuit sa route et son monologue solitaire. Pourquoi je ne suis pas venu hier soir, mais c’est insensé, j’avais reçu des ordres formels {7} ... L’Empereur lui-même m’avait expliqué sur la carte   : je devais fixer les Prussiens sur la basse Sambre et attendre. Attendre... Bien sûr, le général Gérard, son adjoint le pressait, le harcelait.
    —  Monsieur le maréchal, il faut marcher au feu. Je suis un vieux soldat de l’armée d’Italie, j’ai cent fois entendu le général Bonaparte prêcher ce principe. Si nous prenons à gauche nous serons dans deux heures sur le champ de bataille. Je crois que vous avez raison, Gérard, mais si Blücher débouche de Wavre sur moi et me prend de flanc, je serai compromis pour n’avoir point obéi à mon ordre qui est de marcher contre Blücher.
    Il revient vers l’inconnu qui trottine, escorté de deux officiers de gendarmerie. Il le regarde longuement. Plus de doute, c’est bien Dumonceau.
    —  Alors, c’est vrai   ?
    —  Vous en doutez encore   !
    —  Affreux, c’est affreux.
    À Grouchy maintenant de pleurer.
    —  Mais que faire, maintenant que faire   ?
    —  On continue sur Bruxelles, dit Vandamme le sabreur.
    Le front de Grouchy se plisse   :
    —  Si ce que dit Dumonceau est vrai, nous allons être pris en étau entre les Prussiens et les Anglais. Il faut s’échapper à tout prix, rejoindre le gros de l’armée. Ce n’est plus Bruxelles, c’est Namur...
    Les ordres courent tout au long des colonnes.
    Le long mouvement tournant s’effectue comme à la parade, canons, fourgons, hussards, blessés... Et en tête, sur son cheval bai Emmanuel de Grouchy, son visage d’oiseau de nuit, ses épais favoris de majordome, son nez en topinambour, son regard de Beauceron... Et cette sourde peur qui a balayé la sérénité heureuse qui rayonnait en lui depuis le début de la campagne.
    —  Si nous sommes pris en tenaille entre les Alliés, c’est l’écrasement... il faut sauver mon armée... À tout prix.
    À l’heure où Grouchy suant l’angoisse chevauche vers Namur, Napoléon a fait halte au Lion d’or de Philippeville.
    Après un petit en-cas où le vin, l’omelette et le café sont servis par le grognard Vessier, un ancien de Wagram, Napoléon demande une chambre. Ali retire à grand-peine sa redingote et il s’effondre sur un lit, s’enfonce dans le sommeil noir des vaincus.
    Au réveil il dicte à l’intention de Joseph, qui assume la régence   : « ... Les Prussiens marchent lentement et n’oseront point s’avancer. Tout peut s’arranger encore. Écrivez-moi l’effet que cette horrible échauffourée aura produit sur les Chambres. Je crois que les députés se pénétreront de leur devoir dans cette grande circonstance. Il s’agit de s’unir à moi pour sauver la France. » Il signe la dépêche et ajoute de sa main   : du courage et de la fermeté.
    Rue Cerutti
    C’est pour plaire à Juliette Récamier – qui se moquait de lui – que Benjamin Constant avait écrit en mars 1815, alors que Napoléon était aux portes de Paris, une phrase qui allait peser sur ses nuits. Il avait publié dans Les Débats un article où « les crépuscules de l’amour lui voilaient les aurores du proche avenir ». « Je n’irai pas, misérable transfuge, me traîner d’un pouvoir à l’autre. »
    Après quoi il implora sa grâce. Il fut tout heureux de se traîner puis de se vautrer dans le nouveau pouvoir et Napoléon le nomma conseiller d’État {8} .
    Ce matin du 20 juin Benjamin Constant s’accote devant le clavecin de la reine Hortense dans le grand salon de la rue Cerutti. Poudré, frisé. Dentellé. Nankin et cachemire. Pompeux, solennel. Ému. Il tient à la main un épais rouleau de feuillets. Il toussote, sourit, s’incline devant l’assistance.
    —  Je remercie la reine d’avoir bien voulu accepter la première lecture d’un petit roman de ma composition. Vous allez être ses premiers auditeurs. Je l’ai écrit voilà plus de cinq ans. S’il reçoit votre agrément, je le publierai. Je l’ai intitulé Adolphe, du prénom du héros. Je pense que vous serez tentés de retrouver sous les traits d’Ellénore et d’Adolphe quelques traits, quelques situations, il sourit – et quelques tumultes – communs à Mme de Staël et à moi-même... Mais la
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