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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix
Autoren: Gilbert Prouteau
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vieilli, flétri, fléchi, qui semble ne voir personne, qui répond machinalement aux vivats d’un ton fatigué et qui donne les ordres d’une voix mécanique.
    —  Vous prendrez des mesures pour le réapprovisionnement de l’armée qui va se regrouper à Laon.
    Il monte péniblement au bras de Flahaut l’escalier obscur usé par des siècles de pas et dont les degrés craquent sous ses bottes.
    C’était la « chambre d’honneur   », un lit à colonnes engraissé d’un édredon ventru, des tentures fanées et des fenêtres à guillotine qui laissaient filtrer une lumière avare. Il jeta son chapeau sur le lit et se laissa tomber sur le fauteuil.
    Il soupirait à voix basse   : « Je les avais, je les tenais... » Bertrand se tenait debout devant lui, une feuille à la main.
    —  Relisez-moi le bulletin.
    Une calèche entrait dans la cour de la poste et les chevaux harassés grattaient furieusement le pavé.
    La voix de stentor du cocher   : Ouauh, ouauh, holà... interrompit la lecture.
    —  Regardez ce que c’est, Bertrand.
    —  Sire, c’est le roi Jérôme et le maréchal Ney.
    —  Ah ! Ney..., il a donné comme un fou. Il a fait massacrer ma cavalerie. Imaginez Murât au Mont-Saint-Jean, nous coucherions ce soir à Bruxelles. Faites-les monter...
    —  Sire, il faut aller à Paris prévenir les intrigues de Fouché. Il a dressé les Chambres contre vous, il vous hait. Vous auriez dû le faire pendre.
    —  J’avais prévu de le faire exécuter au retour de notre campagne après la victoire. Les crieurs des rues auraient appris en même temps aux Parisiens le triomphe de nos armées et l’exécution de Fouché, traître à la France.
    —  Qu’avait-il fait   ?
    —  Il avait trahi. Comme d’habitude.
    —  Il n’est plus question de le fusiller, il faut l’empêcher d’agir. Et vous seul avez ce pouvoir.
    —  Vous voulez que j’aille à Paris ?
    —  C’est indispensable.
    —  Vous allez me faire commettre une erreur.
    —  Sire, il faut neutraliser...
    —  C’est bon, je partirai dans une heure et je serai de retour demain soir. Ma place est ici, parmi mes soldats.
    Vingt minutes plus tard le roi et le maréchal sortent sans un mot. Ils remontent dans leur calèche et précèdent Napoléon sur la route de Paris {10} .
    Lucien, alerté par les rumeurs, accourt chez Joseph.
    —  Alors   ? C’est vrai   ?
    Joseph baisse la tête et lui tend le bulletin qui vient de lui parvenir. Lucien s’en saisit et dévore le récit du désastre, dicté par Napoléon à son réveil à Philippeville.
    « L’Empereur a passé la Sambre à Charleroi le 19, à 5 heures du matin. Philippeville et Avesnes ont été donnés pour point de réunion. Le prince Jérôme, le général Morand et les autres généraux y ont déjà rallié une partie de l’armée. Le maréchal  Grouchy, avec le corps de la droite, opère son mouvement sur la basse Sambre. La perte de l’ennemi doit avoir été très grande, à en juger par les drapeaux que nous lui avons pris et par les pas rétrogrades qu’il avait faits ; la nôtre ne pourra se calculer qu’après le ralliement des troupes. Avant que le désordre éclatât, nous avions déjà éprouvé des pertes considérables   ; surtout dans notre cavalerie si funestement et pourtant si bravement engagée. Malgré ces pertes, cette valeureuse cavalerie a constamment gardé la position qu’elle avait prise aux Anglais et ne l’a abandonnée que quand le tumulte et le désordre du champ de bataille l’y ont forcée. Au milieu de la nuit et des obstacles qui encombraient la route, elle n’a pu elle-même conserver son organisation. L’artillerie comme à son ordinaire s’est couverte de gloire. »
    Les feuillets tremblent entre les mains de Lucien qui achève sa lecture à haute voix.
    « Dans l’instant l’armée ne fut plus qu’une masse confuse, toutes les armes étant mêlées, et il était impossible de reformer un corps. L’ennemi, qui s’aperçut de cette étonnante confusion, fit déboucher des colonnes de cavalerie   ; le désordre augmenta, la confusion de la nuit empêcha de rallier les troupes et de leur montrer leur erreur.
    Ainsi une bataille terminée, une journée finie, de fausses mesures réparées, de plus grands succès assurés pour le lendemain, tout fiât perdu par un moment de terreur panique. Les escadrons de service même, rangés à côté de l’Empereur, furent culbutés et désorganisés par ces
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