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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix
Autoren: Gilbert Prouteau
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enchantement ignora cette éclipse furtive.
    —  Madame, madame...
    —  Qu’est-ce qui se passe   ? J’avais interdit qu’on me dérangeât.
    —  Madame, c’est urgent, c’est le duc de Rovigo, il dit, il dit... Oh   ! madame, quel malheur... Et Caroline s’enfuit sans achever sa phrase.
    Savary, en uniforme, attendait debout dans l’antichambre. Il s’était composé un visage hiératique de messager du destin. Il s’inclina et sans préambule   :
    —  Madame, je dois vous prévenir d’un grand malheur, l’armée a été défaite au Mont-Saint-Jean par les Anglais de Wellington, et les Prussiens de Blücher. L’Empereur a quitté l’armée. Il revient à Paris. On craint des troubles. Le moment est grave, très grave...
    Hortense crut défaillir, ses jambes tremblaient sous elle, elle s’appuya à la commode, ouvrit la bouche et ne put proférer un son. Elle prit son mouchoir et épongea ses yeux.
    —  Merci, dit-elle enfin, merci de m’avoir prévenue, j’irai le voir dès son arrivée.
    Elle retourna à pas feutrés vers ses invités et s’assit en silence sur sa chaise.
    Benjamin Constant poursuivait sa lecture   :
    « Elle voulut pleurer, il n’y avait plus de larmes. Elle voulut parler, il n’y avait plus de voix. Elle laissa tomber, comme résignée, la tête sur le bras qui l’appuyait, sa respiration devint plus lente. Quelques instants après, elle n’était plus. Je demeurai longtemps près d’Ellénore sans vie. »
    Pendant que Savary annonçait à la reine Hortense le désastre de Waterloo, le mal d’amour s’était frayé un chemin sans retour dans le cœur martyrisé de la belle éplorée. Lorsque Hortense eut repris sa place, l’amant déchiré était au chevet de la morte. Les assistants ne retenaient plus leurs larmes. Hortense put y mêler les siennes qui coulaient d’une source étrangère à cette tragédie. Personne ne pouvait soupçonner qu’elle pleurait sur une autre agonie...
    Benjamin Constant lui-même ne put résister à l’émotion qui étreignait l’assistance. Et il dut s’y reprendre à deux fois pour moduler les confidences posthumes de cette voix à tout jamais éteinte   :
    « Adolphe, pourquoi vous acharner sur moi   ? Quel est mon crime   ? De vous avoir aimé   ? De ne pouvoir exister sans vous   ?... Elle va mourir cette infortunée Ellénore que vous regardiez comme un obstacle... Elle va mourir... Vous marcherez seul au milieu de cette foule à laquelle vous êtes impatient de vous mêler. »
    Les dames se pâmaient entre leurs vapeurs et leurs mouchoirs.
    —  Je vous remercie de votre attention, dit gravement Benjamin Constant. Le malheur d’Ellénore prouve que le sentiment le plus passionné ne peut lutter contre l’ordre des choses.
    —  Votre Adolphe est un monstre, dit Mme d’Arjuzon.
    —  Non, madame, il est à l’image de certains hommes illustres, c’est un mélange d’égoïsme et de sensibilité qui se combine en lui pour son malheur et pour celui des autres. Ses qualités prennent leur source dans ses passions et non dans ses principes.
    Mlle Cocherel échangea un bref regard avec la reine.
    —  De qui parle-t-il au juste   ?
    8 heures du soir - Vaux-sur-Laon
    « La voiture de suite » longe la forêt druidique dont la nef compacte vogue à la rencontre de la nuit. L’averse d’été tiède et bleue s’égoutte le long des breuils. Napoléon a décidé de voyager seul avec Bertrand   : «   Je veux dormir... »
    Comme la voiture de suite ne peut abriter que deux passagers et que le siège unique est réservé au cocher, Ali se place à l’arrière, à la manière des valets de pied d’autrefois, s’accrochant aux deux courroies qui tiennent la capote, les pieds en éventail entre les pointes de fer de la tablette.
    Bertrand, Flahaut, Gourgaud, La Bédoyère suivent dans deux berlines. Au dernier relais de poste, deux lieues avant le village, Napoléon assoupi depuis trois heures, le buste cassé, la tête affaissée sur son épaule, avait semblé se réveiller d’un cauchemar. Il a salué d’un geste vague de la main et il a dit au grand maréchal   :
    —  Vous arrêterez dans la cour du Grand Hôtel de la Poste.
    Il essuyait la buée de la portière et regardait sans les voir défiler les maisons forestières accroupies entre les ramures mouchetées par le soleil déclinant.
    Napoléon descend, aidé par le postillon. Les soldats et les curieux découvrent un homme brusquement
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