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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix
Autoren: Gilbert Prouteau
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message confidentiel expédié de Bruxelles par une haute dame de la suite de Louis XVIII   : Bonaparte a été battu à quelques lieues de Bruxelles. Il fuit, il est perdu. Et Caulaincourt a trouvé un billet anonyme, plié en quatre et déposé chez son portier   : l’armée a été écrasée à Waterloo.
    Caulaincourt court chez Carnot. Carnot blêmit   : « Allons chez Fouché, lui, il sait sûrement. »
    Fouché les reçut au lit, dans son hôtel du quai Voltaire.
    —  Collègue, dit Carnot, vous avez reçu des nouvelles qui ne nous ont pas été communiquées.
    —  Des nouvelles, de quoi s’agit-il   ?
    —  Il s’agit d’un malheur affreux. L’armée, dit-on, a été détruite à Waterloo.
    —  Qui dit ça ? c’est une fable je pense... Et sa voix était mal assurée.
    —  Monsieur le duc, dit Caulaincourt, si le bulletin dit la vérité, la nouvelle vous a été communiquée par télégraphe car le temps manque pour qu’elle soit arrivée par un courrier.
    —  Que voulez-vous insinuer par là   ? demande sèchement Fouché.
    —  Eh parbleu ! s’écrie Carnot, ce que nous voulons conclure par là c’est que nous sommes pieds et poings liés à un traître, à un Judas.
    —  Êtes-vous donc venus pour m’insulter   ? Et se jetant au bas de son lit, il revêtit sa robe de chambre.
    —  Il n’y a d’insulte, riposta Carnot, que pour celui auquel l’épithète de traître est applicable. Et il claqua la porte.
    Caulaincourt le rejoignit dans l’escalier.
    —  Qu’en pensez-vous   ? dit Carnot.
    —  Je pense qu’il sait tout. Notre malheur n’est que trop certain.
    —  Je le crains, il a eu des nouvelles par n’importe quelle voie et il a voulu se laisser le temps de machiner quelque trame diabolique {5} . »
    Après le départ des deux ministres, Fouché demeura en robe de chambre, et c’est dans ce simple appareil qu’il ouvrit sa porte aux visiteurs qu’il avait convoqués.
    Quand Jay, Manuel, Lacoste et Barère furent assis en rond autour de la table, Fouché sortit de sa poche un papier plié   :
    —  Je vous avais dit il y a un mois   : « Napoléon est revenu plus fou qu’il n’est parti. » Je veux qu’il gagne une ou deux batailles. Il perdra la troisième. Et notre rôle commencera... Il a perdu la troisième   : l’armée a été exterminée à Waterloo.
    Les quatre hommes se regardaient abasourdis.
    —  Où est l’Empereur   ? dit Manuel.
    —  Il est en route pour Paris.
    —  Qui vous l’a dit   ? dit Jay.
    —  C’est une faute qu’il ne peut pas ne pas commettre.
    —  Pourquoi   ?
    —  Parce qu’il a peur des Chambres.
    —  La Chambre est plus hostile aux Bourbons qu’à l’Empereur, dit Barère.
    —  Je sais, dit Fouché.
    —  Et La Fayette va essayer d’imposer sa dictature, conclut Manuel.
    Fouché sourit.
    —  Celui-là, je m’en charge... La Fayette est un vieil aristocrate dont on peut se servir à la manière du marchepied d’une voiture en marche et qu’on replie après s’en être servi. Il a toujours cru être l’homme du destin. Il l’a cru avec Marie-Antoinette dont il n’était qu’un porte-coton. Avec Washington dont il n’était qu’un porte-drapeau. Et à la Constituante où il n’était qu’un porte-parole. Champion de la Liberté, champion de la représentation nationale contre le despotisme, il y croit encore aujourd’hui. Et il croit se jouer de moi. Nous allons l’entretenir dans cette illusion. Le pousser en avant. C’est vous, Lacoste, qui serez chargé de faire descendre le général de son cheval blanc. Pour l’instant, c’est Napoléon qu’il faut neutraliser. S’il s’obstinait à poursuivre la guerre, notre plan serait gravement compromis parce qu’il y aurait encore des utopistes comme Carnot pour essayer de provoquer l’élan national et organiser la résistance populaire. Si Napoléon dissout la Chambre, nous sommes perdus.
    —  Que pourrait-il nous arriver   ?
    —  Pour vous je ne sais pas, pour moi je sais.
    —  Que savez-vous, monsieur le duc   ?
    —  Il a décidé de me faire passer en Conseil de guerre dès son retour de l’armée et de me faire exécuter.
    —  Ce n’est pas possible, dit Manuel, sous quel prétexte   ?
    —  Mes pourparlers secrets avec l’Autriche. Si Napoléon a succombé, poursuit Fouché, qu’il s’en prenne à son destin   ; la trahison n’a pas eu de part à sa défaite. Lui-même a fait tout ce qu’il
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