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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix
Autoren: Gilbert Prouteau
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vous répondre sans détour, il vaut mieux forcer le passage.
    —  Philibert prétend que c’est impossible.
    —  Bien sûr, il y a un risque à courir. Mais L’Épervier est d’une marche supérieure au Bellerophon. Il est possible que nous soyons rejoints en haute mer. Alors Votre Majesté serait considérée comme prisonnier de guerre.
    —  Qu’entendez-vous par là   ?
    —  J’entends qu’Elle subira le même traitement qu’en se rendant spontanément aux Anglais.
    Et la voix de Jourdan se fit basse et tremblante   :
    —  Sire, je vous en conjure, j’ai été quatre ans prisonnier des Anglais. Mon oncle de Basprey, mon oncle de Grandcourt m’avaient précédé sur les pontons. Ils ont subi le même calvaire. Je hais les Anglais, c’est un peuple infâme... Puisque vous me demandez mon avis, je vais vous confier la dernière démarche du capitaine Ponée   : supplier l’Empereur de donner l’ordre du combat et nous allons passer en force... Et le Bellerophon aura terminé à l’aube au fond de la rade sa carrière de flibustier.
    En Jourdan, Napoléon retrouvait les accents de Besson, la même jeunesse, la même ferveur, la même foi aveugle.
    —  Quand je vous écoute, capitaine, je me dis que je n’ai pas tout perdu puisqu’un homme comme vous qui a pour lui la jeunesse, la vertu, l’amour, le courage et l’avenir est prêt à risquer sa vie pour moi.
    Il lui donne l’accolade.
    —  Sire, je vous en conjure, donnez-moi l’ordre d’attaquer.
    —  Non, Jourdan, il est trop tard, on m’attend sur le Bellerophon. Je m’y rends.
    Il va s’asseoir sur un banc du pont auprès de Mme de Montholon. Il lui parle comme s’il la découvrait. Comme s’ils étaient assis dans le salon des Tuileries. Il pose des questions puériles. Caressant entre ses doigts le revers de sa redingote, il dit d’une voix de somnambule   :
    —  Est-ce bleu ou vert   ?
    —  C’est vert, sire.
    Il regarde l’étoffe, passe du vert olive au jade des vagues, et il dit comme pour lui-même   :
    —  L’homme aime le merveilleux. Il a pour lui un charme irrésistible. Il est toujours prêt à quitter celui dont il est entouré pour courir après celui qu’on lui forge... Il se prête lui-même à ce qu’on le trompe.
    Mme de Montholon écoute ces bribes de monologue. Il la laisse seule sur le banc, arpente le gaillard d’avant, revient vers elle, se rassied et soupire   :
    —  Trop tard, quel dommage, c’était la dernière guerre. Si j’avais triomphé, de retour en France au sein de la patrie, grande, forte, magnifique, j’eusse proclamé ses limites immuables... Toute guerre future purement défensive. Tout agrandissement nouveau antinational. J’eusse associé mon fils à l’Empire. Paris eût été la capitale du monde et les Français l’envie des nations... Mes loisirs ensuite et mes vieux jours eussent été consacrés en compagnie de l’Impératrice, et durant l’apprentissage royal de mon fils, à visiter lentement, en vrai couple campagnard, avec nos propres chevaux, tous les recoins de l’Empire, recevant les plaintes, redressant les torts, semant de toutes parts et partout les monuments et les bienfaits... Voilà encore un de mes rêves...
    Sur le Bellerophon, le tumulte joyeux des matelots, la gravité nerveuse de Maitland. Il est accoté sur le beaupré et rivé à sa jumelle. Il surveille la mer, mais son ennemi ce n’est plus l ’Épervier qui n’est plus qu’un figurant docile et qui se déhale. L’ennemi grossit dans la lunette du capitaine Maitland, le Superb, battant pavillon du contre-amiral Sir Henry Hotham, poussé par une brise de noroît fend la mer de son étrave impérieuse. Maitland blêmit. Ce n’est pas possible. Tant d’efforts, tant de diplomatie, tant de précautions, tant de pièges et de dialectique, et se voir souffler la gloire à l’instant d’y toucher.
    Brusquement les matelots voient leur commandant se précipiter. Maitland hurle   :
    —  Mettez une chaloupe à la mer... Mott, faites force de rames et abordez L’Épervier. Je veux que vous preniez Napoléon sur le canot. Vite, vite... Et ramenez-le-moi.
    Andrew Mott avait deviné ce qui se jouait. Et comme la veille le préfet Bonnefous volait sur les vagues pour devancer le capitaine Rigny, Andrew Mott vole pour damer le pion à l’amiral Hotham.
    Napoléon regarde sans passion la manœuvre dont il est l’enjeu. Ce qu’il comprendra plus tard, c’est que les voiles du
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