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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix
Autoren: Gilbert Prouteau
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braconniers vers La Faute ou La Tranche.
    —  Et ce brouillard qui n’en finit pas. Ils vont venir, bon Dieu   !
    —  Qu’est-ce qu’on va faire   ?
    La mer et la nuit, la nuit et la mer. Les derniers ressacs frisés du jusant. Le clapotis des vagues le long des bouchots.
    Genty redescendit dans la cale. Il se frappait les tempes de ses deux poings. Est-ce que cette nuit de la longue attente était un cauchemar   ? A-t-il rêvé cette aventure   ? Enfin, voilà les malles, les coffres, les caisses, voilà les épées, les étoffes et la vaisselle. Comme dans les soutes des négriers. Tout cela est quand même à l’Empereur...
    Il remonta sur le pont. La marée descendante tirait les chaloupes vers les fonds sableux.
    Une nappe vaporeuse trouait l’ombre de l’Anse. Une clarté à éclipses confuse, boréale, commençait à sourire aux arêtes molles des vagues.
    Et dans le jour levant, une voile solitaire, déjà ivre de vent.
    —  Regardez, une péniche.
    —  Ils nous font signe.
    —  Ça y est les gars, l’Amérique, bon Dieu, l’Amérique...
    —  Hourrah.
    —  Vive l’Empereur   !
    Et ils agitent leurs bérets. Seul Genty a compris. Cette péniche qui venait à eux et dont les voiles tremblaient sous l’haleine du vent, ce n’était pas le bateau-pilote de l’envol, c’était le ponton du retour.
    —  Ho   ! les gars, faut revenir.
    La voix brutale et rauque du marin leur jetait leur arrêt de mort.
    —  Qu’est-ce qui se passe, bon Dieu   ? dit Chateauneuf, les mains crispées sur le bastingage et des sanglots plein la voix.
    —  Il se passe que l’Empereur a décidé de se rendre aux Anglais. Ça doit être fait à l’heure qu’il est.
    —  Aux Anglais ? (Genty s’étranglait.) Aux Anglais... ce n’est pas possible... dites-moi que c’est pas vrai...
    —  Il est foutu, dit Doret.
    —  Et nous, dit Moncousu, nous, on n’est pas foutus peut-être   ? Parce que lui y s’est bien foutu de nous.
    —  Allez, faut revenir maintenant, reprenait la voix paternelle du pilote qui prenait des accents de compassion. Bien sûr, c’est pas gai pour vous...
    —  On a fait tout ce qu’on a pu, et même un peu plus, dit Peltier.
    De la mer cuirassée de sel montaient les présages fêlés des mouettes. La Zélie et les Deux-Amis rentraient au port {100} .
    C’était une aurore lumineuse et pure, comme il en neige dans les mémoires enchantées des jardins de l’enfance. Une aube d’idylle adolescente et de départ amoureux vers la mer. La plage éventée par les tamaris, la mer déversant ses dentelles dans des palais de coquillages, les flûtes de l’écume ourlant le rivage sonore. Des oiseaux hauturiers déployaient toutes grandes leurs ailes blanches dans la jeune lumière.
    Sous les albatros aux aguets, L’Épervier au mouillage. Il avait déployé ses voiles en face de l’île. L’Empereur, l’épée au côté, coiffé d’un petit chapeau de castor noir, revêtu de l’habit vert et blanc de colonel de la Garde, émerge sur le pont.
    À peine l’Empereur a-t-il débarqué sur L’Épervier que les matelots qui ont été pour la plupart prisonniers des Anglais se précipitent vers leur capitaine.
    —  Commandant, il faut empêcher ça   !
    —  Vous savez bien ce qui l’attend   !
    —  Quand on pense à ce qu’on a connu nous autres...
    —  Ils n’auront pas de pitié pour lui...
    —  Capitaine, allez lui crier qu’il est encore temps...
    —  On peut éperonner le Bellerophon.
    —  Il aurait une mort digne de lui...
    Même scène sur la Méduse , des matelots se frappaient la face et jetaient leurs chapeaux sur le pont en les piétinant de rage.
    Ils pleuraient, juraient, sacraient, écumaient... Et Ponée gémissait   : « Quel malheur que l’Empereur ne soit pas venu ici plutôt que sur la Saale. Je l’aurais passé malgré la croisière... Il ne connaît pas les Anglais... Dans quelles mains va-t-il se mettre ! Pauvre Napoléon... il est perdu. »
    En abordant sur la coupée, il est accueilli par un long jeune homme brun, à la silhouette d’adolescent, aux cheveux ras, aux yeux de braise, et qui domine mal son émotion. L’équipage s’est massé sur le pont {101} .
    Après avoir passé en revue l’équipage, il revient retrouver Jourdan à son banc de quart.
    —  Que pensez-vous de ma décision, répondez-moi franchement   ?
    —  Sire, votre question me met dans un grand embarras. Mais ma loyauté m’autorise à
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