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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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paysans. Une attaque générale était vouée à l’échec tant il
y avait de gardes et d’archers protégeant l’évêque et la noblesse locale. Tout
se jouerait à l’intérieur de ce champ clos.
    Les trompettes percèrent les brouhahas de la foule
surchauffée. À cet appel, un grand « Ah » monta jusqu’aux cieux. Puis
le silence retomba, lourd, oppressant, troublé par les sorcières qui agitaient
des calebasses remplies d’os. Les horribles femmes regroupées en un bouquet de
fleurs vénéneuses appelaient la mort en scandant une inaudible mélopée entre
leurs lèvres serrées. Elles avaient reçu beaucoup d’or de Delphine de Dye pour
influencer le cours des affrontements et il fallait posséder leurs dons pour
apercevoir les spectres qui flottaient entre les lices.
    Dans les lignes des guerriers, on ne voyait plus que l’adversaire.
Tout s’effaçait. Les bruits des calebasses, les regards énamourés, les milliers
de têtes, les oriflammes ondoyantes, les collines lumineuses, le ciel sans
tache. Plus rien.
    Jean banda ses muscles. Là-bas à trois cents pas, la
silhouette de Casteljaloux était tel un mannequin à la quintaine. Il l’isola. Quand
les roulements de tambours suivis des éclats des trompettes donnèrent le signal
de la charge, chacun s’élança vers son adversaire.
    Aubeline cessa de respirer, Élise détourna la tête, Alix se
mordit le poing et Bertrane invoqua la Vierge pour qu’il n’y ait point de morts. Seules Jausserande et Delphine éprouvaient pour des raisons différentes
un véritable plaisir à voir ces deux masses se rapprocher l’une de l’autre.
    Les chevaux étaient plus rapides que les yeux. II était
difficile de repérer son favori au sein des deux troupes qui faisaient un
boucan d’enfer. Les corps des chevaliers s’inclinèrent un peu sur les encolures
des montures. Les écus couvrirent leurs poitrines. Les lances s’affermirent
dans les poings gantés de cuir épais. Quelques instants avant le choc, les
destriers étirèrent leurs jambes, pointant leurs naseaux.
    La terre tremblait. Les jambes des spectateurs tremblaient. Les
chocs des sabots se répercutaient dans toutes les poitrines. La main de
Stéphanie ne tremblait pas. Son fils paraissait venir d’infiniment loin. Ce ne
fut d’abord qu’un minuscule point sombre, puis à une vitesse folle il se
transforma en un gigantesque guerrier, un démon moitié cheval, moitié humain. Elle
vit que la lance d’Hugon ne cherchait pas à atteindre son écu mais sa gorge. Elle
eut juste le temps de se protéger. Le choc fut terrible, les deux lances se
brisèrent sur les boucliers. Aucun des deux cavaliers ne tomba. Il en fut de
même pour Jean et Edmond. Ancelin eut moins de chance ; il se sentit
décoller de selle. Le sol était dur. La douleur à l’épaule lui arracha un cri. Avant
de s’évanouir, il vit Robert désarçonner le Français Bonneval du Pont.
    — Ancelin ! hurla Alix.
    Quatre notes de trompette ramenèrent les cavaliers
vainqueurs sur leurs lignes de départ où valets et écuyers se précipitèrent
pour les préparer à un nouvel assaut. On dénombra sept blessés.
    — Belle empoignade, dit Jean à Robert.
    — Bah ! Le Français avait les cuisses faibles.
    Jean pensa que des cuisses fortes ne suffiraient pas à
vaincre Robert. Sa propre passe avec Edmond n’avait rien donné. Il n’avait pas
décelé de points faibles chez le sire d’Aquitaine.
    — Ils ont l’avantage, constata Robert.
    Du côté des adversaires, seuls Ancelin et Bonneval étaient
tombés. Le tout nouveau chevalier d’Aquitaine était déjà entre les mains de l’archiatre
et des médecins de l’évêché. Alix arriva sous la tente au moment où son galant
rouvrait les yeux.
    — Ancelin !
    — Il s’en remettra, dit l’archiatre. Nous n’aurons même
pas besoin de prier.
    Rassérénée, Alix céda à la joie. Elle oublia le tournoi, les
galops, la mêlée, la terre éventrée, les charges furieuses, les exploits, la
venue de Jésus et les commérages. Dehors le tonnerre des vivats éclata à
plusieurs reprises. De brusques cris de déception annonçaient parfois la chute
d’un favori. Après avoir été bandé, Ancelin demanda à Alix de le soutenir. Elle
accepta à contrecœur. Les médecins estimèrent qu’il pouvait marcher. Ce têtu d’Ancelin
voulait assister à la fin des joutes. Ce qu’il découvrit l’étonna. On venait de
suspendre le tournoi. Il en demanda les raisons à un
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