Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier
Autoren: Jean-Michel Thibaux
Vom Netzwerk:
À chacune de ses apparitions, il touchait les
meurtrissures, les bubons et les membres raidis des pauvres diables qu’on lui
présentait.
    Le jour du tournoi, à l’église Saint-Pierre, un flot de
soleil tombant du nouveau vitrail serti dans une barbotière forgée en Alsace
vint allumer les pierreries du collier de Bertrand. À genoux, face à l’autel, le
seigneur était nimbé par le reflet des opales, des ambres et des rubis, un
Christ en argent finement sculpté brillait sur sa poitrine. Les pauvres
entouraient ce Roi mage accompagné de son épouse Bertrane, une sainte parmi les
saintes. Ils priaient avec ferveur, et plus ils invoquaient Dieu, plus Bertrane
suppliait la Vierge de protéger Jean d’Agnis. Elle s’était faite à l’idée qu’il
appartenait à Aubeline. Elle n’osait pas cependant demander à la Dame du ciel de lui envoyer un homme digne d’amour. Il n’y en avait pas parmi les
soixante-deux chevaliers qui s’étaient présentés à Signes. Plusieurs même ne
méritaient pas de porter l’épée. Surtout Hugon et ses Français. Non seulement
Hugon n’avait pas embrassé sa mère, mais il l’avait insultée en public. Mortifiée,
Stéphanie s’était retirée au Castelet avec vingt hommes d’armes et on ne l’avait
plus revue.
    « Douce Mère, faites que tous ces chevaliers combattent
loyalement. Faites en sorte que les cœurs purs sortent vainqueurs et indemnes
de ce tournoi. Je vous demande de veiller particulièrement sur Jean d’Agnis. Notre
Père l’a épargné en Judée pour qu’il témoigne des injustices commises là-bas
par les grands et des sacrilèges perpétrés par les musulmans. Permettez qu’il
vive encore longtemps en Provence et qu’il voie grandir ses enfants aux côtés
de son aimée Aubeline. J’ai… »
    Le « moi-même j’ai une requête à vous adresser »
ne passa pas la barrière de son esprit. Les mots moururent dans les méandres de
son cerveau où fermentaient toutes sortes de péchés de chair. Elle attendrait
le décès de Bertrand ; il lui était interdit d’en faire le souhait là, dans
l’odeur de l’encens et sous les yeux indulgents de la statue. Elle se savait
observée par les saints en extase sur leurs socles et par les anges invisibles
dont les ailes faisaient trembler les flammes des cierges. Plus incisifs
étaient les regards des femmes de la noblesse en mal de scandale. Les comtesses
des fiefs avoisinants étaient venues en nombre pour assister aux fêtes de
Signes.
    Au moment de la communion, elle eut un remords oppressant et
elle faillit refuser l’hostie que lui tendait l’évêque. Fouettée par l’œil
incisif du redoutable prélat de Marseille, elle avala le corps du Christ. Elle
ne fut pas foudroyée sur place, elle n’éprouva aucune douleur, elle ne
ressentit aucun poids. Là-haut, on considérait qu’elle n’avait pas péché. En
retournant à sa place, elle croisa Aubeline d’Aups, Bérarde et la jeune Élise
qui s’avançaient vers l’autel. Jean d’Agnis et le chevalier de Paneyrolle n’étaient
pas avec elles. Les deux hommes avaient choisi de se recueillir dans la
chapelle Saint-Jean.
    Aubeline d’Aups, bien que mauvaise pratiquante, s’était
confessée à un prêtre de passage avant de communier. Élise l’avait suivie. Bérarde
s’était contentée de prier. Aucun homme d’Église ne comprenait son langage de
muette. La géante se fichait bien d’avoir l’âme un peu sale. Comme ses deux
amies, elle avala l’hostie. La messe s’acheva sur un chant fervent et des
vivats quand l’évêque habillé d’or et de pierreries quitta solennellement l’église.
    En sortant de la maison de Dieu, Bertrane était presque
heureuse. Alors que Bertrand prenait le chemin du nouveau cimetière dont la
terre devait être consacrée, elle entraîna sa cour, Alix, Jausserande et toutes
celles qui avaient recommandé leurs champions aux cieux. Aubeline, Bérarde et Élise
en faisaient partie. Bérarde avait demandé à Jean du Paumier de la représenter ;
quant à Élise qui venait d’être admise au gynécée dans la suite de la dame d’Ongle,
Robert de Paneyrolle jouterait pour elle. Elle serait bientôt digne de porter
un titre. En quelques jours, Aubeline lui avait appris l’alphabet et elle
savait écrire son prénom ainsi que celui de Robert.
    Une heure plus tard, après avoir dégusté des friandises et
bu sur la place de l’église, on s’achemina vers le plan où flottaient cent
bannières.
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher