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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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Dans un tourbillon de poussière, des lances, des boucliers et des
chevaux apparurent. C’était un long ruban de chevaliers, d’écuyers et de valets
qui revenaient des chapelles et de la chartreuse de Montrieux. Ils avaient
purifié leur corps et leur âme en récitant des Gloria Patri en compagnie
des convers. Avant qu’ils quittent les différents lieux de prière, les moines
engagés par Bertrand leur avaient fait prendre un breuvage de styrax et de
lierre blanc. « Pour le courage », avait dit le responsable de l’herbularius
médicinal.
    Du courage, ils en avaient à revendre. Il fut décuplé par la
vue des femmes et le son des cloches carillonnant à toute volée. Jean laissa
son cœur s’étendre. La joie l’emplit quand son regard rencontra celui d’Aubeline.
L’air vif du matin était plein du bonheur et de l’excitation des milliers de
spectateurs massés derrière les barrières et sur les gradins hormis à l’endroit
où se tenaient les sorcières de Signes et de Saint-Zacharie. Ce groupe de
femmes en noir était toléré, il arrivait qu’on fit appel à leurs services quand
les médecins se révélaient incapables de soigner les combattants.
    Les chevaliers ne portaient pas encore le heaume et le froid
de décembre rendait leurs visages aussi beaux et sévères que ceux des anges
exterminateurs. Celui de Robert n’inspirait plus la terreur. La volonté de
vaincre le chevalier d’Agnis qu’il ne quittait pas des yeux marquait les traits
d’Edmond. Quant à Hugon, il affichait tant de haine qu’on pouvait le croire
envoyé des enfers.
    — Prends garde à celui-ci, dit Jean, si tu dois croiser
le fer avec lui.
    Le chevalier du pont du Diable observa Hugon. En effet, le
seigneur des Baux avait de quoi impressionner. Comme on allait se battre à la
mêlée, sans tirage au sort, il y avait des chances qu’il l’affronte. Chacun
cherchait un guerrier à sa mesure.
    — Il ira mordre l’herbe ! À Signes, point ne
recule ! lança-t-il à la ronde.
    La foule l’acclama. Il répéta cette devise qu’il venait d’inventer
et fit galoper son cheval le long des lices. Ce fut un triomphe. La foule
versatile l’adoptait après avoir tremblé durant des années à la seule évocation
de son nom. Jean s’élança à son tour, suivi des Français et d’un trio d’Aixois.
Le plan était vaste, clos, cerné de toutes parts par des soldats de l’évêché, de
Bertrand et des barons voisins. Malgré leur nombre, les gardes avaient du mal à
contenir les excités. Ils subissaient les insultes, recevaient des coups et des
crachats. Quelques contribuables se vengeaient enfin après tous ces mois à
payer dîme, gabelle, taille et capitation. Et il en venait toujours d’autres
par les routes du Beausset et de Méounes pour grossir les rangs des mécontents.
Les trompettes les appelaient. Ils pressaient leurs mulets, flagellaient les
culs des bœufs, poussaient les charrettes, houspillaient leur marmaille. La
terre trop malmenée par les sabots et les roues se creusait et rendait la
progression difficile. Les musiciens ambulants rythmaient les piétinements ;
on entendait les lancinantes vielles à roue, les douces mandores, les flûtes
joyeuses, les tristes rebecs, les tambourins et les tambours se disputer les
branles, les gaillardes et les pavanes. On se battit pour les meilleures places.
Une odeur fauve se dégageait de cette masse d’hommes et de bêtes qui s’offrait
à la vue des dames assises à la tribune d’honneur. Delphine en fit la remarque
en pinçant les ailes de son nez quand la très riche vicomtesse Adalarie d’Avignon
fit répandre un parfum d’Orient sur les coussins.
    — Je ne veux pas de cela ! se récria Bertrand. C’est
faire offense au peuple ! C’est de la luxure !
    Il était trop tard. Une fragrance sucrée et poivrée monta
aux narines. Bertrand, furieux, se tut. Le seigneur de Signes n’était pas au
bout de ses surprises. Les demoiselles d’honneur déroulèrent la banderole de
velours pourpre le long du podium, il demanda alors pardon à saint Antoine en
découvrant les lettres brodées de fil d’or :
     
    Le succès trop facile ôte bientôt son charme à l'amour :
les obstacles lui donnent du prix.
     
    La quatorzième maxime de la cour d’amour s’adressait
directement aux chevaliers qui attendaient sur deux lignes face à face. Jean d’Agnis,
Robert de Paneyrolle, Jean du Paumier, Edmond de Casteljaloux et quelques
autres s’étaient
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