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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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soucier de la démarche à une
heure où la nuit régnait encore sur le monde des loups, des voleurs et des
revenants.
    — Vois ce rocher, on dirait une faux, ajouta-t-elle.
    Il eut un gentil sourire ; lire l’avenir dans la forme d’un
rocher ou dans les caprices de la brume le dépassait. Il venait d’une contrée
pacifiée où l’on ne parlait que de vignes et de femmes. Comme tous les
Provençaux, Alix interprétait les moindres signes. Lui croyait au paradis, aux
saints et à l’enfer. Cela suffisait à régler sa vie. Il ne doutait de rien. Prononcer
le nom d’Alix et le conjuguer avec le verbe « aimer », c’était
suffisant pour repousser toutes les superstitions et les diableries inventées
par les hommes.
    Il ne la quittait pas des yeux. Menant hardiment sa jument
grise, elle avait le regard dardé sur les hauteurs de Siou-Blanc. Ses cheveux
clairs battaient sur ses épaules couvertes d’une fourrure. Ce front lisse et
bombé, ce nez un peu busqué, cette bouche soufflant une buée bleutée, ce menton,
ce cou, il aurait pu les peindre grain par grain. Il s’inquiéta soudain quand
ce visage se durcit.
    — Tu as vu quelque chose ?
    — On vient par là !
    Elle montrait le large chemin qui menait sur la route de
Marseille au Castelet. Ancelin mit du temps avant de percevoir le bruit. Une
troupe arrivait. Il l’estima à une dizaine de chevaux. Quand elle se montra à
travers le voile brumeux, il tira son épée. Les cavaliers ressemblaient à des
fantômes. Un écu à la rose noire émergea du nuage d’eau accroché aux bouquets
de genévriers. Le chevalier qui le portait cachait son visage sous un casque à
nasal. Ceux qui le suivaient étaient tout aussi menaçants derrière leurs grands
boucliers et dans leurs armures de guerre.
    — Sire ! aboya l’homme à la rose noire. Haute
chose es branc d’acier, bien la garder qui l'a, ne puet faillir a honor, onques
ire contre vous ne bui. Ami, sommes-nous Signes en l’estrée ?
    Alix contemplait ce drôle avec suspicion ; elle ne put
s’empêcher de dire à haute voix :
    — Ancelin, je ne comprends guère le jargon des Francs.
    — C’est bien un Français. Il me dit de ranger mon épée,
car il n’a rien contre moi et cherche la grand-route de Signes. Je vais lui
répondre que bientôt et promptement ils apercevront Signes.
    —  Onques envers vous ne pensai folie, leur
lança-t-il. Se briefment et temprement, vous vesrez Signes !
    Il leur montra le creux où nichait le village. Ce fut alors
qu’il vit le dernier chevalier de la file sur un énorme destrier recouvert d’un
drap noir.
    — Jésus-Christ, dit-il tout bas.
    Alix ne fit aucun commentaire bien qu’elle pensât à
Notre-Dame-l’Eloignée. Les mots ne venaient pas. Elle était effrayée par l’apparition
de ce guerrier dont elle sentait peser le regard. Ce regard brillait, brûlait, consumait.
Il la perçait à travers les fentes triangulaires du heaume. Il distillait peur
et haine malgré la distance qui les séparait. Elle reconnut soudain l’étoile
des Baux sur le bouclier et elle comprit qu’il était l’un des fils de Stéphanie.
Cependant elle n’osa pas prononcer le nom d’Hugon qui lui vint immédiatement à
l’esprit. Le sombre chevalier et ses acolytes disparurent dans les brumes. Plus
que jamais, elle crut aux signes néfastes qui l’entouraient. Pas Ancelin qui
exprima joyeusement sa pensée :
    — Le tournoi va être rude.
     
    Pêle-mêle, au hasard des chemins, chevaliers, marchands, amuseurs
publics, jongleurs, cracheurs de feu, diseuses de bonne aventure, prostituées
et paysans s’étaient rendus à Signes. Toulon, Marseille, Aix et les fiefs
alentour avaient largué le meilleur et le pire. Le village était bourré d’étrangers.
Putains, voleurs, moines, boumians et mendiants baragouinaient des tas de
promesses aux carrefours et sur les places. C’était la période de l’année où l’on
voyait le plus de sébiles et de chapelets, d’ongles peints et de visages fardés.
Les évêques aux bonnes têtes joufflues côtoyaient les charbonniers aux gueules
noires et émaciées. Des miséreux se traînaient sur leurs moignons et on se
demandait comment ils avaient pu grimper jusqu’ici.
    Noël et l’argent de Bertrand y étaient pour beaucoup. Le
seigneur de Signes avait fait des miracles. Les années passant, il se prenait
de plus en plus pour un saint et on s’attendait à le voir guérir les
paralytiques et les lépreux.
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