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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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détestaient marcher sur les
corps. Hugon estima qu’ils étaient un peu plus de cent cinquante hors de combat,
tous affreusement mutilés.
    — Qu’on les enterre avec les morts ! hurla-t-il
aux hommes qui s’acharnaient sur les blessés avec des masses et des
tranchelards.
    Les soldats râlèrent. Creuser un trou pour cette racaille de
Catalans leur paraissait inutile. Une longue et épuisante tâche alors que les
chiens errants et les loups pouvaient se charger de bouffer cette viande. Cependant
ils obéirent, de peur de subir le sort de leurs ennemis.
    Contrairement à ce que croyaient les huit Français, Hugon
avait l’âme lourde. Lourde de dégoût. Lourde d’inutiles tueries. Ces embuscades
ne changeaient rien à l’issue de la guerre. Elles n’entamaient pas la puissance
du comte de Barcelone. Sans une armée forte de dix mille soldats bien entraînés
et une véritable cavalerie, il ne pouvait espérer vaincre Raymond Bérenger. Une
vague d’incommensurable tristesse balaya le chaos de ses pensées quand il vit l’étoile
des Baux souillée du sang des victimes. La bannière qui avait fait la gloire de
ses ancêtres flottait au milieu des braillards. Il n’y avait pas un chevalier
digne de ce nom parmi cette meute. La noblesse provençale ne le suivait plus ;
il était servi par des bandes de truands de Montpellier, d’Avignon, de
Marseille et par des mercenaires venus d’Allemagne et d’Italie. Il avait devant
lui quatre cents charognards qui réclamaient le droit au pillage pour dépenser
leur argent dans les bordels. Où qu’il portât son regard, il rencontrait les
mêmes trognes stupides et sales. Cette fange, il la devait à sa mère et à
Bertrane qui avaient choisi la reddition.
    — Chiennes ! cria-t-il en éperonnant son cheval.
    Ravage partit d’un trait, arrachant des armes et des casques
aux corps étendus entre les vignes. Son maître ne le guidait pas mais il savait
où se rendre.
    — Sainte Marie ! s’exclama Liénard d’Ouches en le voyant
venir droit vers la haie derrière laquelle il se dissimulait avec ses sept
compagnons.
    Ce juron ne lui seyait guère. Il tourna sa vilaine figure
maigre vers Conan de Montfort. Le chevalier au sanglier semblait fasciné par le
galop d’Hugon.
    — Partons ! ordonna Liénard en frappant l’écu de
Conan avec sa lance.
    Au moment où ils faisaient demi-tour, la voix d’Hugon les
rattrapa :
    — Inutile de fuir, tristes sires !
    Les huit se figèrent. Ils eurent l’impression que les sabots
de Ravage martelaient le sol, provoquant un bruit de rocs roulant sur du métal.
La haie se fendit en deux et le comte des Baux leur apparut tel un cavalier de
l’Apocalypse. Il portait les marques du combat. Sa joue avait été entaillée, son
bouclier troué, sa cotte démaillée à hauteur de l’épaule droite.
    — Vous me croyez dupe ? lança-t-il.
    Liénard, en fieffé menteur qu’il était, voulut se justifier.
Il n’en eut pas le temps.
    — Vous m’avez suivi à la trace depuis notre dernière
rencontre ! Nous étions convenus de nous retrouver à Signes. Dois-je en
déduire que vous m’espionnez ? Vous êtes bien du genre à trahir et à vous
balancer au bout d’une corde.
    — Dieu nous garde d’une telle intention ! s’écria
Bonneval du Pont. Tu ne trouveras pas plus fidèles que nous à cent lieues à la
ronde.
    — Dieu ? Ha ! Ha ! Comme il sonne bien
dans ta bouche de charognard, ce Dieu, Bonneval. Tu dois parler de l’Allah des
Maures je suppose ? Tu crois pouvoir te réclamer du Père du Christ ? Et
vous aussi je pense ? Vous vous croyez parvenus au-delà des plus dures souffrances
pour l’invoquer ainsi ? Même si vous portiez la croix rouge des croisés, vous
ne seriez pas en droit de lui demander de l’aide. Vos âmes sont comme des
morceaux de charbon et vous savez à quoi sert cette pierre…
    Ils déglutirent. Ils s’imaginèrent flamber comme le charbon
que les mineurs extrayaient à grand-peine des entrailles de la terre. L’enfer
était fait de charbon. Hugon ne les laissa pas respirer, il continua sur sa
lancée de sa voix d’orateur, les accablant.
    — … Tous les évangiles que vous avez gobés étant
enfants, toutes les prières que vous avez dites et celles que vous aurez encore
le courage de prononcer ne suffiront pas à vous sauver quand la mort viendra. Les
vers dévorent indifféremment les saints et les assassins, telle est la vérité !
Nous sommes tous des
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