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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa
Autoren: Graham Greene
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entre notre bourgeoisie et les classes laborieuses. Bref,
Papa m’emmenait avec lui au café, ce qui, au grand chagrin de Maman, avait de
mauvaises répercussions, puisque c’est ainsi que j’ai appris le viennois
grossier et vulgaire. À cause de ça et de mes galopades avec les gamins du
ruisseau, j’ai pris une façon de parler si affreuse que Maman finissait par
avoir honte de moi ; quand des parents venaient ou qu’il y avait des
visites, il lui était impossible de me garder près d’elle, tellement j’aimais
ce parler des rues et n’employais que lui. C’était une manière de rébellion, comme
chez les jeunes aujourd’hui. Je n’aimais pas les bourgeois. J’avais déjà le
goût des langues et je parlais de telle sorte mon patois voyou qu’on devait me
tenir à l’écart des visiteurs. Quand j’avais commis une vilenie et que mes
parents étaient furieux, je courais me cacher sous le lit, dans ma chambre, et
je demeurais là tapie tout au fond, si loin dessous dans le coin et en ruant si
fort des jambes et des bottines, qu’il n’y avait pas moyen de me débusquer. Ah !
bien, ils auraient mieux fait de cogner dur, avec un fouet ou Dieu sait quoi !
    Seulement voilà : on ne pouvait pas bouger le lit, et
ça, c’était formidable. Suprême. Parce que moi je suis dessous, avec mon parler
du ruisseau. C’était une de mes planches de salut, l’autre étant l’escalier d’incendie.
Dehors, fixée au mur de la maison, il y avait cette échelle, alors je
réussissais toujours à filer quand j’en avais envie et que les portes étaient
fermées à clef. Je passais sur le balcon où on battait les tapis, et de là
jusqu’en bas par l’échelle. Au bout c’était trop court, et il fallait sauter et
ça faisait haut, très haut. Je m’en moquais. Je me laissais pendre par les
mains et tout bonnement tomber comme une prune mûre. Quand on saute, il n’y a
qu’à rester souple et tout va bien.
    Est-ce que ça donne un peu une idée du genre de mauvaise
fille que j’étais ? Mauvaise, non, peut-être pas, mais pas très sage, ça
certainement. On ne peut pas dire que ce soit bien de toujours s’enfuir de la
maison. J’avais l’âme trop fière – ou est-ce trop arrogante que je devrais
dire ? – pour supporter l’insulte des raclées, et le choc et l’humiliation
étaient trop grands, quand tout ce que je cherchais ce n’était qu’un peu de
distraction sans faire de mal à personne. Pas grand mal en tout cas. Enfin bref,
j’étais toujours à me sauver par monts et par vaux. On devait envoyer à ma
recherche les domestiques et les aides-coiffeurs et même la police. Je n’avais
rien d’une charmante enfant.
UNE SAINTE CHAMELLE
    J’étais mauvaise fille de bien d’autres façons aussi. Pourtant,
c’est allé mieux quand on m’a mise à l’école des sœurs. Et pour commencer, aux
Ursulines de la Johannesgasse. Le cocher m’y conduisait tous les matins, à
cette Johannesgasse, et là on m’a un peu dressée.
    Je suis devenue d’une piété ! J’allais à confesse et j’avais
défense de galoper partout avec les garçons qui étaient mes amis, les Strizibuben. Seulement à cause de toute cette piété, la souffrance se mettait à avoir de
ces airs de sainteté ! Ce fut une aventure spectaculaire. Oui, j’étais une
sainte chamelle, car avec ma curiosité naturelle, je coulais parfois un regard
derrière les décors.
    Toujours est-il qu’un jour où j’allais en voiture au Tivoli
avec mes parents, j’avais emporté mon livre de messe et, marqués dedans, il y
avait tous les péchés que j’avais commis, car le lendemain matin, je devais
aller me confesser à l’aumônier – le pauvre ! Et voilà que mon père
regarde dans mon missel, et lit cette liste de péchés. Quelle raclée j’ai prise
dans la voiture ! Car il n’y avait pour ainsi dire pas un péché qui
manquait. Je devais avoir dans les huit ou neuf ans. Oui, j’avais menti, triché,
volé.
    Volé, parfaitement. Dans la boutique où on vendait les
cerises. À confesse, le prêtre m’a dit que je devais les rendre, ces cerises. Impossible,
naturellement, pour la bonne raison que je les avais toutes mangées. Il m’a dit
que dans ce cas il fallait en rapporter d’autres à la place de celles que j’avais
volées ; ça n’en faisait pas des tas. J’en ai donc trouvé d’autres – sans
les voler, celles-ci – et je suis arrivée avec chez le marchand de fruits.
Seulement, entre-temps,
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