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La dernière nuit de Claude François

La dernière nuit de Claude François

Titel: La dernière nuit de Claude François
Autoren: Bertrand Tessier
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Sachant tout ce qu’il leur doit, il les cajole, leur fait porter des bonbons, des boissons, des sandwichs, leur offre des places de concert au premier rang et, à la fin du spectacle, leur jette sa chemise trempée de sueur qu’elles se battent pour récupérer et conserver précieusement, comme si c’était le saint suaire.
    Il y a quelque chose de christique chez cet homme qui se déplace perpétuellement entouré de ces jeunes filles qui, ce matin-là encore, le croient immortel.

    La descente des sept étages peut se transformer en ascenseur social : Claude a pris l’habitude de recruter ses assistantes parmi ses fans. Il les encourage à poursuivre leurs études et à passer le bac, mais quand elles le ratent, il leur propose un job d’habilleuse, d’assistante ou de secrétaire. Au moins, sécher les cours ne les empêche pas de trouver un métier.
    Françoise, la jeune femme qui accompagne l’électricien ce matin-là, a suivi cette filière, non reconnue par l’Éducation nationale, mais autrement plus excitante. Pendant que l’artisan commence à réparer l’éclairage de la bibliothèque qui clignote capricieusement, elle regarde le mobilier comme un autel. Même dans ses rêves les plus fous, elle n’aurait jamais imaginé entrer chez Claude François – encore moins avoir la clé de son appartement.
    De la part de l’inventeur des Clodettes, dont les tenues sont tellement en phase avec son époque, elle se serait attendue à un intérieur design. Des murs blancs, des fauteuils en cuir noir et inox style Knoll, un téléphone orange, peut-être même un Sacco assorti, comme dans les films de Georges Lautner. Mais non, chez Claude François, tout est classique. Il a une préférence pour les teintes sombres, les couleurs cognac, mordoré et bordeaux, les rideaux sont dans un épais velours marron, le plafond
de la chambre est recouvert d’un drapé ivoire, les meubles sont de style anglais à l’image du Chesterfield en cuir du salon ou du petit secrétaire en acajou. Dans la bibliothèque, les livres sont reliés en veau avec des impressions en or. C’est un intérieur de bon goût, cosy, rassurant. Bourgeois. Longtemps conseillé par un décorateur, Claude s’est initié aux arts de la décoration intérieure et s’est forgé son propre goût, à la grande incompréhension de sa mère qui lui disait toujours : « J’ai peur que tes vieux meubles s’effondrent sur moi. »
    — Vous m’aviez parlé d’une applique dans la salle de bains ? demande l’électricien à l’assistante.
    Depuis qu’ils étaient entrés dans l’appartement, Françoise était embarrassée. Claude François et sa compagne Kathalyn dormaient. Elle avait demandé à l’artisan de faire le moins de bruit possible, mais, pour aller dans la pièce d’eau, il fallait impérativement passer par la chambre. Devait-elle interrompre son sommeil ?
    Dilemme.
    En matière de réveil, Claude a institué un véritable rite. Tous les soirs, en rentrant chez lui, il écrit à la main l’heure à laquelle il souhaite qu’on le réveille. Son chauffeur dépose alors le petit mot à la réception de ses bureaux et son assistante la plus en cour n’a plus qu’à l’appeler
à l’heure dite, en général 13 ou 14 heures. Parfois, quand il est seul, il demande expressément qu’elle vienne le réveiller à l’appartement : elle doit alors déposer un verre de jus de pamplemousse fraîchement pressé sur sa table de nuit avant de s’éclipser discrètement.
    Personne ne se pique de le réveiller plus tôt que prévu : on ne déroge pas aux ordres. Ce qui peut conduire à des situations ubuesques : dans les bureaux des disques Flèche, on n’a pas oublié l’affaire de « L’Été indien ». L’éditeur français de Toto Cutugno avait contacté un matin les directeurs artistiques de Cloclo : son protégé venait de composer une mélodie qui commençait à très bien marcher sur les radios transalpines. Pour en acquérir les droits français, il fallait impérativement donner sa réponse avant midi. Il n’y avait pas eu besoin d’une réunion de crise pour décider s’il fallait dire oui : ces accords douloureusement langoureux étaient de l’or en barre ; en revanche, pendant tout le reste de la matinée, le staff s’était réuni pour savoir s’il convenait de réveiller Claude. Débouler chez lui, c’était prendre le risque d’une engueulade et personne ne voulait en assumer la
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