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La dernière nuit de Claude François

La dernière nuit de Claude François

Titel: La dernière nuit de Claude François
Autoren: Bertrand Tessier
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responsabilité, de peur d’être licencié sur-le-champ. Le fameux éditeur bluffait sans doute : il était urgent d’attendre. Sauf que, justement, il ne bluffait pas : lorsque Claude, enfin réveillé, finit par donner son
accord, il était trop tard. Le management de Joe Dassin avait déjà signé. Grosse colère. Et colère encore plus grosse quelques semaines plus tard, lorsque le chanteur d’origine américaine avait décroché la première place des hit-parades avec sa version rebaptisée « L’Été indien ».
     
    Ce lundi matin, Claude a demandé à être réveillé à 13 heures. Françoise préfère ne pas prendre de risques.
    — Euh… vous ne pouvez pas revenir en fin de semaine ? Il sera absent jeudi et vendredi.
    — Non. En revanche, lundi prochain, c’est possible.
    — Alors à lundi, on va le prévenir.
    — Mais dites-lui qu’il faudrait refaire entièrement l’installation, sinon il aura toujours des problèmes. Elle est pourrie.
    C’était comme s’il lui avait dit que Claude François chantait faux : tout ce qui touche à son idole ne peut être que magnifique.
    — C’est pourtant un immeuble récent, riposte-t-elle, solidaire de celui qui est aussi son patron.
    — Oui, mais il a été construit trop vite, comme beaucoup d’immeubles de cette époque.
    Le 46 est l’une des rares constructions modernes érigées le long du boulevard Exelmans, les autres édifices étant typiquement
haussmanniens, avec leurs façades en pierre de taille aux ornements sculptés. Il date des années 1950, l’architecte a joué du béton comme élément décoratif, au risque de donner l’impression que les fenêtres ressemblent à des meurtrières. Il paraissait alors furieusement moderne, presque futuriste, mais ce n’est pas ce qui a décidé Claude François à l’acquérir à la fin de l’année 1962, quelques semaines à peine après la sortie de « Belles ! Belles ! Belles ! », son premier tube. Alors qu’il habitait une petite chambre de l’hôtel Magda, avec toilettes sur le palier, rue Troyon, près de l’Étoile – un décor pour héros de roman de Modiano  – , son nouvel agent, Paul Lederman, voulait le mettre à l’abri des tentations de l’argent facile. Et puis, en ces temps de crise du logement, baby-boom oblige, c’était une sacrée bonne affaire…
    — Investis dans un appartement, il y en a un à vendre près de mes bureaux. Le prix est imbattable : le propriétaire doit partir à l’étranger. Je suis sûr qu’on peut encore le baisser.
    Claude avait visité l’appartement le jour même. Une petite surface : soixante-quinze mètres carrés environ. Mais l’immeuble lui avait tapé dans l’œil : il disposait d’un interphone, ce qui était alors le summum de la modernité, et donc de la réussite. S’il roulait en belle américaine, une Thunderbird blanche avec intérieur
en cuir rouge, n’était-ce pas parce qu’il pouvait monter et descendre les vitres et l’antenne grâce à un bouton électrique ?
    Et puis, ce trois pièces avait l’immense avantage d’avoir un accès direct à la terrasse qui s’étendait sur tout le toit. Les beaux jours, il pourrait profiter du soleil sans que son regard bute sur les immeubles d’en face.
    — D’accord, avait-il répondu à Lederman.
    Quelques semaines plus tard, on lui avait remis les clés, mais il ne pouvait pas en profiter : c’était le jour de l’enregistrement d’une émission cruciale, « Âge tendre et tête de bois ». Après, il avait fallu donner des interviews, puis dîner avec des gens importants. À 3 heures du matin, quand il avait pu se libérer, il n’avait pas résisté à l’envie d’emménager immédiatement : il a toujours vécu dans le présent. Il avait alors réveillé sa mère, qui habitait une chambre voisine de la sienne à l’hôtel Magda et qui vivrait désormais avec lui. Dix minutes plus tard, le fils et sa mère débarquaient dans cet appartement situé dans le sud du XVI e arrondissement, à deux pas du pont du Garigliano, alors en construction.
     
    Il n’avait pas fallu longtemps à Claude François pour apprendre la vérité : si l’appartement était si peu cher, c’était parce que la femme de
l’ancien propriétaire s’était ouvert les veines dans la baignoire. Jugeant la salle de bains maudite, celui-ci voulait s’en débarrasser au plus vite…
    Après la mort du chanteur, le nouveau propriétaire décidera de ne pas tenter le
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