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La dernière nuit de Claude François

La dernière nuit de Claude François

Titel: La dernière nuit de Claude François
Autoren: Bertrand Tessier
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Incarnation du prince charmant à l’heure des Gibson, c’est le gendre idéal.
    Au bout d’une heure de prises de vue, il enfile une veste, signe que la séance est finie. D’un geste que ses proches connaissent bien, il vérifie l’encolure : toujours ce besoin d’être impeccable. Personne ne l’a jamais vu débraillé.
    — Bon, allez, il faut qu’on y aille ! lâche-t-il aux Clodettes.
    C’est tout lui, ça : l’éternel retardataire en train de presser tout le monde. Il n’a jamais été à une contradiction près. En fait, l’avion d’Air France pour Genève décolle à 18 heures, à Orly. Il n’y en a pas d’autres après. Il y a des cas où il sait être à l’heure. D’autant que cette émission revêt une importance cruciale à ses yeux : c’est un show organisé par la BBC. Une nouvelle étape pour l’objectif qu’il vient de se fixer : conquérir l’Angleterre pour mieux s’imposer en Amérique. Il file à toute allure sur ses quarante
ans et, d’une certaine manière, il est à la croisée des chemins. Il ressent le besoin de clore un chapitre pour en ouvrir un autre.
    Depuis des années, il se plaît à passer pour un homme d’affaires. Il joue son rôle de patron avec délectation. Sa formule préférée est un lapidaire « C’est un ordre ! » qui ne souffre pas la moindre contestation.
    Tous les après-midi, il se rend à ses bureaux. De son antre, au premier étage, à droite du grand escalier, où l’on n’entre que lorsqu’il a allumé une petite lumière verte, il houspille, sermonne et tyrannise ses employés à coups d’engueulades et de notes de service aussi comminatoires que blessantes, voire humiliantes. La colère est son moteur : pourquoi s’en priver, puisque personne ne lui en veut ? Patron de droit divin, il s’autorise tous les caprices. Parfois, il se gare en double file sur le boulevard et reçoit ses collaborateurs derrière le volant, les uns après les autres, sous les yeux de ses fans, ravis. Il n’hésite pas non plus à espionner les conversations de ses employés, grâce à un système de sonorisation intérieure. Infatigable bosseur, il ne comprend pas qu’on ne travaille pas autant que lui. Mais le dictateur « à la Napoléon » – son personnage historique préféré – peut se révéler d’une générosité de prince : tous les ans, à l’approche de Noël, il coche sur le catalogue Cartier les cadeaux qu’il offre à ses
collaborateurs, des bagues ou des chaînes pour les femmes, de la maroquinerie pour les hommes.
     
    Dans sa soif de réussite, il y a la revanche sociale, mais, surtout, la quête du toujours plus. Enchaîner les tubes, il sait faire. Il lui faut constamment se lancer de nouveaux défis : c’est ainsi qu’il va créer ce que l’on n’appelle pas encore un « groupe multimédia ». Il lance une société d’édition, pour exploiter son catalogue, puis une autre, dédiée à la production, pour révéler de nouveaux artistes, comme Alain Chamfort. Puis il rachète un fanzine, Podium , pour en faire l’un des titres les plus emblématiques de la presse jeunesse. Doué d’une formidable intuition, il a des idées sur tout. Veillant aux moindres détails, crayonnant lui-même les roughs , comme on appelle les esquisses, il révolutionnera ainsi la maquette des journaux : photos détourées imbriquées les unes dans les autres, déluges de couleurs vives, légendes en forme de rébus, onomatopées, dont son fameux « Waouh ! ». Dans un premier temps, il veut toujours se mettre en couverture… puisque c’est lui qui vend le plus de disques chaque semaine. On lui a conseillé de laisser une part à ses rivaux. Il a inventé les couvertures « composites » – manière de mettre en valeur les autres chanteurs sans jamais leur accorder la vedette.

    Ensuite, il crée une agence de mannequins et commercialise un parfum à son effigie, Eau noire . Avec son ami Michel Drucker, il coproduit une émission de télévision – et n’avait pas dit son dernier mot en la matière. Il lance même un magazine de charme, Absolu , dont il réalise lui-même les séances les plus osées, sous le pseudonyme de François Dumoulin. La directrice de la rédaction, Geneviève Leroy, est convoquée par le ministre de l’Intérieur, Michel Poniatowski, qui la sermonne : une idole comme M. François doit donner l’exemple, il ne peut pas continuer à bafouer les bonnes mœurs. L’heure n’étant pas
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